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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/750

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miere, & le peu de disposition qu’elles ont à les laisser passer ou à devenir transparentes, sans quoi les vaisseaux les plus fins seroient encore imperceptibles après avoir été injectés. Les matieres animales & végétales dont on se sert pour colorer les injections, telles que la cochenille, la lacque, l’orcanette, le bois de Brésil, l’indigo, &c. ont en général l’inconvénient de se grumeler & de boucher ainsi quelques vaisseaux. Leurs couleurs aussi se passent trop tôt lorsqu’on fait dessécher les parties pour les conserver, & elles les communiquent encore aisément aux liqueurs dans lesquelles on conserve les préparations, outre qu’elles ont l’inconvénient d’attirer les insectes ; ainsi quoiqu’on réussisse assez souvent en se servant de ces couleurs, il faut cependant préférer les substances minérales, telles que la pierre calaminaire, le minium ou le vermillon, pour les injections rouges ; & de ces matieres le vermillon est encore préférable aux autres, parce qu’il donne une couleur plus vive, & qu’on le trouve ordinairement mieux broyé. La couleur verte qu’on emploie généralement est le verd-de-gris, & celui qu’on nomme crystallisé vaut mieux encore, parce que sa couleur est plus éclatante, qu’il ne se grumele jamais, & qu’il se dissout dans les liqueurs grasses.

Pour les injections fines, on prend une livre d’huile de térébenthine bien claire, & l’on y mêle peu-à-peu une once de vermillon ou de verd-de-gris crystallisé en poudre subtile, ou plutôt exactement broyé sur le porphyre ; il faut les agiter avec une spatule de bois jusqu’à ce que le mélange soit exact, & passer ensuite la liqueur par un linge fin. La séparation des parties les plus grossieres se fait encore mieux, en ne versant d’abord sur la poudre que quelques onces d’esprit de térébenthine, & agitant fortement avec une spatule : laissez un peu reposer, & versez par inclination dans un autre vase bien net l’esprit de térébenthine & le vermillon ou le verd-de-gris qui y est suspendu, & répétez cela jusqu’à ce que l’esprit de térébenthine n’enleve plus de la poudre, & qu’il n’en reste que les parties les plus grossieres. L’injection ordinaire se prépare ainsi : prenez une livre de suif, cinq onces de cire blanche ou jaune, trois onces d’huile d’olive, faites fondre ces matieres au feu de lampe ; lorsqu’elles seront fondues, ajoutez-y deux onces de térébenthine de Venise ; & quand elle sera mélée, vous y ajouterez environ deux onces de vermillon ou de verd-de-gris préparé, que vous mélerez peu-à-peu ; passez alors votre mélange par un linge propre & chauffé, pour séparer toutes les parties grossieres ; & si l’on veut pousser cette matiere plus avant dans les vaisseaux, on peut avant que de s’en servir, y ajouter un peu d’huile, ou esprit de térébenthine.

Voici quelques regles générales pour le choix d’un sujet convenable. 1°. Plus le sujet que l’on injecte est jeune, plus aussi, toutes choses d’ailleurs égales, l’injection se portera loin, & ainsi du contraire. 2°. Plus les fluides de l’animal auront été dissous & épuisés pendant sa vie, plus aussi le succès de l’opération sera grand. 3°. Moins la partie que l’on a dessein d’injecter est solide, plus les vaisseaux se rempliront. 4°. Plus les parties sont membraneuses & transparentes, plus l’injection sera sensible. C’est pourquoi, lorsque l’on injecte quelque partie solide d’un vieux sujet, qui est mort ayant les vaisseaux pleins d’un sang épais, à peine est-il possible de pousser l’injection dans quelques vaisseaux. Les principales choses que l’on doit avoir en vûe, lorsqu’on a dessein d’injecter un sujet, sont de dissoudre les fluides épaissis, de vuider les vaisseaux & de relâcher les solides, & d’empêcher que la liqueur injectée ne se coagule trop tôt. Pour remplir toutes ces fins, quelques auteurs proposent d’injecter par les

arteres de l’eau tiede ou chaude jusqu’à ce qu’elle revienne claire par les veines, & les vaisseaux par ce moyen sont si bien vuidés de tout le sang qu’ils contenoient, que les parties en paroissent blanches. Ils conseillent ensuite de pousser l’eau, en introduisant de l’air avec force, & enfin de faire sortir l’air en pressant avec les mains les parties où il a été introduit. Après une semblable préparation, on peut parvenir, il est vrai, à faire des injections subtiles ; mais il y a ordinairement un inconvénient inévitable, qui est dans toutes les parties où il se trouve un tissu cellulaire tant-soit-peu considérable ; la tunique cellulaire ne manque jamais d’être engorgée d’eau qui gâte les parties qu’on a dessein de conserver dans des liqueurs ou de faire dessécher. Il est encore rare qu’il ne se mêle avec l’injection grasse, soit dans les grands, soit dans les petits vaisseaux, quelques parties aqueuses qui font paroître l’injection interrompue ; c’est pourquoi il vaut mieux se passer de cette injection avec l’eau, si on le peut, & faire macérer le sujet, ou la partie que l’on a dessein d’injecter pendant long-tems dans de l’eau chauffée au degré qu’on y puisse facilement porter la main : par le moyen de cette eau chaude, les vaisseaux seront suffisamment ramollis & relâchés, le sang deviendra fluide, & l’injection ne sera pas exposée à se refroidir si-tôt ; mais il faut avoir soin que l’eau ne soit pas trop chaude, car les vaisseaux se raccourciroient & le sang se durciroit. On peut, pendant la macération, exprimer de tems à autre, autant qu’il est possible, les liqueurs de l’animal, & les déterminer vers le vaisseau qu’on a ouvert pour pousser l’injection ; le tems qu’il faut continuer la macération est toujours proportionné à l’âge du sujet, à la grosseur, à la grandeur des parties qu’on veut injecter, & à la quantité de sang que l’on remarque dans les vaisseaux, ce qui ne peut guere s’apprendre que par l’expérience. Mais il faut au moins faire son possible pour que le sujet ou la partie macérée soit bien chaude, & continuer à presser en tous sens avec les mains jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sang, dans quelque situation qu’on mette le sujet. Lorsque la seringue à injecter l’injection & le sujet sont en état, il faut choisir un des tuyaux de la seconde espece, dont le diametre soit proportionné à celui du vaisseau par lequel doit se faire l’injection ; car si le tuyau est trop gros, il est évident qu’on ne pourra pas l’introduire, & s’il est beaucoup plus petit que le vaisseau, il ne sera pas possible de les attacher si bien que les tuniques des vaisseaux, en se repliant, ne laissent entr’elles & le tuyau quelque petit passage par lequel une partie de l’injection rejaillira sur celui qui injecte dans le tems de l’opération, & les vaisseaux les plus proches se vuideront en partie par la perte d’une portion de la liqueur injectée : lorsqu’on a choisi un tuyau convenable, il faut l’introduire dans l’orifice du vaisseau coupé, ou dans une incision qu’on y fait latéralement ; & alors ayant passé un fil ciré au-dessous & le plus près du vaisseau qu’il est possible, par le moyen d’une aiguille ou d’une sonde flexible & armée d’un œil, il faut faire avec le fil le nœud du chirurgien, & le serrer autant que le fil le permet, ayant soin que le nœud porte sur la hoche ou entaillure du tuyau, autrement le nœud glisseroit, & le tuyau sortiroit du vaisseau dans le tems de l’opération, ce qui la rendroit inutile. S’il se trouve de grands vaisseaux coupés qui communiquent avec ceux qu’on a dessein d’injecter ; ou s’il y en a d’autres qui partent du même tronc, & qu’on ne veuille pas y faire passer l’injection, il faut les lier tous avec soin pour ménager la liqueur, & pour que l’opération réponde mieux à l’intention que l’on a pour lors. Tout cela étant fait, il faut faire chauffer au feu de la lampe les deux sortes