Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/854

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montrer sur un même modele & d’une maniere précise ; mais dont toutes les converses se démontrent dans un instant par l’idée indéterminée d’inégalité : c’est ainsi qu’Euclide auroit sans doute démontré en un seul mot la converse du théorème favori de Pythagore en la plaçant après les propositions 12e & 13e du second livre, dont il auroit pu aussi démontrer les converses en même tems dans un trait de plume, s’il n’avoit pas imaginé cette autre démonstration plus directe & plus indépendante, par laquelle il termine son premier.

Par rapport à la seconde méthode que j’ai annoncée, elle consisteroit à donner, dès le commencement du traité, la converse de chaque axiome, & à démontrer ensuite la converse de chaque théorème par la même chaîne de conséquences qu’on auroit employées pour démontrer le théorème direct, en substituant à chaque conséquence sa converse, & en y faisant des converses précédentes le même usage qu’on vient de faire de leurs directes pour démontrer la derniere directe. C’est encore ainsi qu’Euclide auroit pu démontrer cette même 48e proposition dont nous venons de parler, en citant la 13e proposition & un corollaire de la 38e, au lieu de la 14e & de la 41e, auxquelles il avoit renvoyé dans la démonstration de la 47e.

Si je n’ai point fait mention dans tout ceci des converses des problèmes, c’est que j’ai présumé qu’on préfereroit une seule regle générale, quoique plus embarassante dans l’exécution, à l’ennui de lire autant de remarques particulieres sur les problèmes, que j’en ai déjà fait sur les théorèmes. Cette regle est aisée à imaginer & à retenir ; réduisez le problème que vous avez en main sous la forme du théorème, appliquez-lui alors les préceptes que nous avons donnés sur ceux-ci, tant pour les convertir que pour en démontrer les converses, & présentez enfin ces converses sous la forme de problemes. Cet article est de M. le Sage fils, citoyen de Genève, dont il a déjà été parlé au mot Gravité.

INVERSE, adj. (Algebre & Arithm.) on applique ce mot à une certaine maniere de faire la regle de trois ou de proportion, qui semble être renversée, ou contraire à l’ordre de la regle de trois directe. Voyez Regle.

Dans la regle de trois directe, les termes étant rangés suivant leur ordre naturel, le premier terme est au second, comme le troisieme est au quatrieme, c’est-à-dire, que si le second est plus grand ou plus petit que le premier, le quatrieme est aussi plus grand ou plus petit que le troisieme dans la même proportion. Mais dans la regle inverse, le quatrieme terme est autant au-dessus du troisieme, que le second est au-dessous du premier. Exemple. On dit dans la regle de trois directe : si trois toises de bâtiment coutent vingt livres, combien en couteront six, c’est-à-dire, 3 : 20 ∷ 6 : x ? on trouvera quarante livres ; mais dans l’inverse, on dit : si vingt ouvriers font dix toises de bâtiment en quatre jours, en combien de tems quarante les feront-ils, c’est-à-dire, 20 : 40 ∷ x : 4 ? on trouvera en deux jours. Voyez Regle de trois. Chambers. (E)

Méthode inverse des Fluxions, est ce qu’on appelle plus communément calcul intégral. Voyez Intégral.

Raison & proportion inverse. Voyez Raison & Proportion.

INVERSION, s. f. terme de Grammaire qui signifie renversement d’ordre : ainsi toute inversion suppose un ordre primitif & fondamental ; & nul arrangement ne peut être appellé inversion que par rapport à cet ordre primitif.

Il n’y avoit eu jusqu’ici qu’un langage sur l’inversion ;

on croyoit s’entendre, & l’on s’entendoit en effet. De nos jours, M. l’abbé Batteux s’est élevé contre le sentiment universel, & a mis en avant une opinion, qui est exactement le contrepié de l’opinion commune : il donne pour ordre fondamental un autre ordre que celui qu’on avoit toujours regardé comme la regle originelle de toutes les langues : il déclare directement ordonnées des phrases où tout le monde croyoit voir l’inversion ; & il la voit, lui, dans les tours que l’on avoit jugés les plus conformes à l’ordre primitif.

La discussion de cette nouvelle doctrine devient d’autant plus importante, qu’elle se trouve aujourd’hui étayée par les suffrages de deux écrivains qui en tirent des conséquences pratiques relatives à l’étude des langues. Je parle de M. Pluche & de M. Chompré, qui fondent sur cette base leur système d’enseignement, l’un dans sa Méchanique des langues, & l’autre dans son Introduction à la langue latine par la voie de la traduction.

L’unanimité des Grammairiens en faveur de l’opinion ancienne, nonobstant la diversité des tems, des idiomes & des vues qui ont du en dépendre, forme d’abord contre la nouvelle opinion, un préjugé d’autant plus fort, que l’intimité connue des trois auteurs qui la défendent, réduit à l’unité le témoignage qu’ils lui rendent : mais il ne s’agit point ici de compter les voix, sans peser les raisons ; il faut remonter à l’origine même de la question, & employer la critique la plus exacte qu’il sera possible, pour reconnoître l’ordre primitif qui doit véritablement servir comme de boussole aux procédés grammaticaux des langues. C’est apparemment le plus sûr & même l’unique moyen de déterminer en quoi consistent les inversions, quelles sont les langues qui en admettent le plus, quels effets elles y produisent, & quelles conséquences il en faut tirer par rapport à la maniere d’étudier ou d’enseigner les langues.

Il y a dans chacune une marche fixée par l’usage ; & cette marche est le résultat de la diversité des vues que la construction usuelle doit combiner & concilier. Elle doit s’attacher à la succession analytique des idées, se prêter à la succession pathétique des objets qui intéressent l’ame, & ne pas négliger la succession euphonique des sons les plus propres à flatter l’oreille. Voilà donc trois différens ordres que la parole doit suivre tout à la fois, s’il est possible, & qu’elle doit sacrifier l’un à l’autre avec intelligence, lorsqu’ils se trouvent en contradiction ; mais par rapport à la Grammaire, dont on prétend ici apprécier un terme, quel est celui de ces trois ordres qui lui sert de guide, si elle n’est soumise qu’à l’influence de l’un des trois ? Et si elle est sujette à l’influence des trois, quel est pour elle le principal, celui qu’elle doit suivre le plus scrupuleusement, & qu’elle doit perdre de vue le moins qu’il est possible ? C’est à quoi se réduit, si je ne me trompe, l’état de la question qu’il s’agit de discuter : celui de ces ordres qui est, pour ainsi dire, le législateur exclusif ou du moins le législateur principal en Grammaire, est en même tems celui auquel se rapporte l’inversion qui en est le renversement.

La parole est destinée à produire trois effets qui devroient toujours aller ensemble : 1. instruire, 2. plaire, 3. toucher. Tria sunt efficienda, 1. ut doceatur is apud quem dicetur, 2. ut delectetur, 3. ut moveatur. Cic. in Bruto, sive de claris Orat. c. lxix. Le premier de ces trois points est le principal ; il est la base des deux autres, puisque sans celui-là, ceux-ci ne peuvent avoir lieu. Car ici par instruire, docere, Ciceron n’entend pas éclaircir une question, exposer un fait, discuter quelque point de doctrine, &c. Il entend seulement énoncer une pensée, faire connoître ce qu’on a dans l’esprit, former un sens par des mots. On parle pour être entendu ; c’est le premier but de la parole ;