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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/9

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chéri de tout le militaire, animé d’un zele ardent pour la perfection du service, apperçut le desordre, & s’appliqua à y remédier. Occupé des plus grands objets, M. le comte d’Argenson ne dédaigna pas de descendre aux moindres détails : on essaya des changemens, on multiplia les épreuves ; un plan de réforme, fruit des méditations d’illustres guerriers, fut arrêté ; & enfin la qualité, l’espece, la quantité, la forme & les proportions de chaque partie d’habillement, d’équipement & d’armement, furent sous son ministere, successivement déterminées par plusieurs ordonnances & réglemens que nous ne ferons ici que rapprocher & résumer. Les colonels, commandans & majors des corps, ne doivent y permettre aucune altération ni changement, à peine de répondre des contraventions.

Lorsque le roi ordonne la levée d’un régiment, Sa Majesté pourvoit, pour cette premiere fois, par un traitement particulier accordé aux capitaines, à la dépense de l’habillement, de l’équipement, & de l’armement à neuf de chaque troupe.

Et pour assûrer d’une maniere stable & uniforme l’entretien de toutes les parties qui en dépendent, elle a réglé qu’elles ne seroient plus renouvellées en totalité, mais seulement par tiers, par quart, ou suivant la partie jugée nécessaire par les inspecteurs généraux de ses troupes ; disposition nouvelle par laquelle on a judicieusement sacrifié l’agrément du coup d’œil à l’utilité.

Au moyen du traitement que le roi fait à ses troupes, tant de cavalerie que d’infanterie, soit à titre de solde pour les unes & les autres, soit à titre d’ustensile ou d’écus de campagne pour celles de cavalerie, les cavaliers, hussards & dragons sont obligés de s’entretenir en tout tems de linge, de culottes, bas & souliers ; d’entretenir leurs chevaux de ferrage, de conserver leurs armes nettes, & d’y faire les menues réparations, ensorte qu’elles soient toûjours en bon état ; & les soldats de s’entretenir de linge, de chaussure, & de tenir également leurs armes propres & en bon état.

Outre ce traitement, le roi fait payer tant en paix qu’en guerre, vingt deniers par jour pour chaque sergent, & dix deniers pour chaque brigadier, cavalier, hussard, dragon & soldat, pour composer une masse toûjours complette, sans avoir égard aux hommes qui peuvent manquer dans les compagnies.

Cette masse est spécialement affectée aux dépenses principales & accessoires du renouvellement & de l’entretien de l’habillement, de l’équipement, & de l’armement des troupes. Le fonds en demeure entre les mains des trésoriers militaires, qui en donnent leurs reconnoissances aux majors ou autres officiers chargés du détail des corps, en deux billets comptables ; l’un à titre de grosse masse sur le pié de douze deniers par sergent, & de six deniers par brigadier, cavalier, hussard, dragon & soldat ; l’autre à titre de petite masse pour les huit deniers restans par sergent, & les quatre deniers par chacun des autres. Les fonds de la masse sont remis, sur la main-levée des inspecteurs généraux, aux entrepreneurs des fournitures d’habillement, d’équipement, & d’armement de chaque corps.

A l’égard des régimens d’infanterie étrangere qui sont au service du roi, & qui jouissent de traitemens différens des troupes nationales, il a été réglé une retenue de trois livres par homme sur le pié complet par mois, à titre de masse, sur la paye de paix de chaque compagnie, & de quatre livres dix sols sur la paye de guerre, dont l’emploi est affecté aux habillement, équipement, armement, & à la petite monture de ces régimens. La petite monture n’est autre chose que le linge & la chaussure dont

nous avons dit que le soldat est obligé de s’entretenir sur sa solde. Pour prévenir les inconvéniens & le danger de sa négligence sur cet article qui intéresse essentiellement sa santé, on a établi une retenue journaliere sur sa paye, dont le fonds reste entre les mains de l’officier major de chaque corps. Il en fait manuellement la distribution tous les trois mois, après avoir examiné si toutes les parties de l’équipage militaire ou privé du soldat sont complettes & en bon état. Le décompte des cinq écus de campagne de la cavalerie, se fait avec la même attention en cinq payemens égaux, dans les mois de Juin, Juillet, Août, Septembre & Octobre de chaque campagne. La retenue est réglée à un sou par jour sur la solde des cavaliers, hussards & dragons, & à six deniers sur celle du soldat ; dans la pratique elle est pour l’ordinaire de deux sous pour la cavalerie, & d’un sou pour l’infanterie. Mais il ne suffit pas d’envisager ces objets sous un point de vûe général ; passons au détail des parties d’habillement, d’équipement & d’armement. La connexité & la dépendance réciproque de ces trois branches importantes de l’économie militaire, permettent de les associer sous un même article.

Habillement. L’habillement du cavalier est composé d’un justaucorps de drap de Lodeve ou de Berry, doublé de serge ou d’autre étoffe de laine ; d’une veste de peau de buffle, nommée le buffle ; d’un sarrau de toile pour panser les chevaux ; d’une culotte de peau à double ceinture, d’une seconde culotte de panne rouge, d’un chapeau de laine bordé d’un galon d’argent, & d’un manteau de drap fabriqué à deux envers.

Celui du hussard, d’une pelisse, d’une veste & d’une culotte à la hongroise, de drap bleu céleste, la pelisse doublée de peau en laine de mouton blanc ; d’une culotte de peau, d’un bonnet ou schakos de feutre blanc ou rouge, & d’un manteau de drap bleu de roi.

Celui du dragon, d’un justaucorps & d’une veste de drap doublés d’étoffe de laine, d’un sarrau de toile, d’une culotte de peau, d’une seconde culotte de panne, d’un chapeau bordé en argent, & d’un manteau.

Et celui du soldat, d’un justaucorps de drap doublé d’étoffe de laine, d’une veste de tricot ou d’autre étoffe équivalente aussi doublée, d’une culotte de même étoffe sans doublure, d’un caleçon de toile pour tenir lieu de doublure, & d’un chapeau bordé d’or ou d’argent faux. Les chapeaux des milices de terre sont bordés en poil de chevre blanc ; ceux des soldats garde-côtes en laine blanche, les bords ayant seize à dix-sept lignes de large.

Les justaucorps sont coupés sur des patrons de trois tailles, grande, moyenne & petite. Ceux de la moyenne doivent avoir trois piés quatre pouces six lignes de hauteur par-devant, & trois piés trois pouces six lignes par-derriere ; ceux de la grande taille un pouce & demi de plus ; ceux de la petite un pouce & demi de moins, & les largeurs proportionnées. Les buffles & vestes doivent être plus courtes de huit à neuf pouces que les justaucorps.

Les paremens des manches sont ronds, de six pouces de haut & de dix-huit pouces de tour ; les pattes sans poches, les poches placées dans les plis de l’habit. Celui du cavalier est garni de deux épaulettes ; celui du dragon d’une seule placée sur l’épaule gauche. Les quantités d’étoffes qui doivent entrer dans chaque partie d’habillement, sont déterminées par les ordonnances qu’on peut consulter.

Les brigadiers & carabiniers dans la cavalerie & dans les dragons à cheval, & les sergens, caporaux & anspessades dans les dragons à pié & dans l’infanterie, sont distingués par des galons d’or, d’argent