Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pectables dans leur origine deviennent enfin monstrueuses ; la multitude ne voit que l’erreur, & la condamne sans remonter à une source d’autant plus excusable, qu’elle sembloit plus naturelle.

Le culte d’Isis étoit plus célebre que celui d’Osiris ; on la trouve bien plus souvent sur les marbres ; elle étoit regardée comme la mere & la nature des choses, comme le prouve l’inscription de Capoue :

Te, tibi,
Una quæ est una,
Dea Isis,
Arrius Babinus.

V. C.

Chacun connoît la belle inscription que Plutarque rapporte, & qu’il dit avoir été sur le pavé du temple de Saïs : « je suis tout ce qui a été, ce qui est, & qui sera, & nul d’entre les mortels n’a encore levé mon voile ». Appulée au liv. II. des méthamorph. introduit Isis parlant d’elle-même & de ses attributs, dans des termes qui ne sont pas moins sublimes que ceux que Salomon employe pour faire les éloges de la souveraine sagesse.

On ne convient pas de l’origine d’Isis ; il est impossible de démêler aucune apparence de vérité dans des sujets où le principal mérite étoit de la voiler sous une multitude de fables & de rêveries poëtiques. C’est à la faveur de toutes ces idées si peu liées entr’elles, & souvent incompatibles, qu’on a cru trouver l’Isis des Egyptiens dans presque toutes les déesses du paganisme ; mais il paroît par le culte qu’on lui rendoit, & les divers symboles dont on ornoit ses statues, que les Egyptiens regardoient leur Isis sur le même pié que les Grecs leur Cerès. Isis fut particulierement honorée en Grece, comme il est aisé de le voir par le grand nombre de monumens qu’on lui érigeoit dans ce pays, & par les figures d’Isis qu’on voit sur les médailles grecques. Le culte d’Isis & des autres dieux égyptiens, eut d’abord beaucoup de peine à s’établir à Rome, quoique la tolérance fût extrême pour les opinions & les cultes étrangers que chacun pouvoit librement adopter & suivre dans le particulier. Le culte d’Isis ne fut incorporé qu’assez tard dans la religion des Romains par arrêt du sénat ; il paroît même qu’il fut rejetté plusieurs fois, sur-tout par la fermeté des consuls Pison & Gabinius qui au rapport de Tertulien s’opposerent fortement à la célébration des mysteres d’Isis. Le senat renouvella souvent les mêmes défenses ; mais l’empereur Commode (Lampridius) eut tant de passion pour ces mysteres, que pour les honorer davantage, il se fit raser, & porta lui-même le simulacre d’Anubis.

On voit par les médailles de l’empereur Julien, & quelques autres où elle paroît portant un navire sur sa main, que, comme le dit Apulée, elle présidoit à la mer, comme si elle eût été la premiere qui eût trouvé l’art de naviger, ou du moins de se servir de voile à cet effet.

Son culte a passé de l’Egypte dans les Gaules ; mais ce seroit peut-être trop donner aux conjectures, que de vouloir dériver le mot de Paris, de παρά Ἶσις, à cause que cette ville n’étoit pas éloignée du fameux temple de la déesse Isis, & d’établir que les Parisiens ont pris un navire pour armes de leur ville, parce que cette déesse y étoit venue dans un vaisseau ; mais on ne peut raisonnablement douter qu’il n’y eût en effet à Paris ou dans son voisinage, au village d’Issy, un fameux temple dédié à la grande déesse des Egyptiens. Les anciennes chartres des abbayes de sainte Genevieve & de saint Germain en font mention, & disent que Clovis & Childebert leurs fondateurs leur ont assigné les dépouilles d’Isis & de son temple ; & nous aurions une preuve sans réplique de ce fait, sans le zele un peu

véhément du bon cardinal Brissonet, qui abbé de Saint-Germain-des-Prés, l’an 1514, fit réduire en poudre le grand idole d’Isis qu’on avoit par curiosité conservé dans un coin de ladite église de saint-Germain. Les Iconoclastes tant anciens que modernes ont détruit de belles choses ; le zele aveugle est presque toûjours destructeur.

Tacite dans son traité de moribus Germanorum, nous apprend que le culte d’Isis avoit pénétré jusques chez les Sueves, peuple distingué parmi les anciens Germains ; il avoue qu’il ne comprend pas comment il avoit passé dans un pays si éloigné ; mais si, comme l’établit solidement Dom Pezron, les Sueves étoient sortis d’Asie, il ne seroit pas étonnant qu’ils eussent apporté avec eux un culte qui de l’Egypte avoit passé dans presque tous les pays qui avoient quelque communication avec la Méditéranée ; il seroit aussi très-probable que le culte d’Isis eut été porté dans la Germanie par les Gaulois qui y envoyerent des colonies, & qui avoient reçû eux-mêmes le culte de cette déesse, ou par les Phéniciens qui allant jusqu’à Gades ou Cadix, s’étoient souvent arrêtés sur les côtes des Gaules, ou par les Carthaginois qui furent long-tems en commerce avec les Gaulois, & leur porterent, comme on le sait, le culte de Saturne & de quelques autres divinités greques.

Ce qui confirmeroit ce dernier sentiment, c’est qu’au rapport du même Tacite, les Sueves honoroient Isis sous la figure d’un vaisseau : or, comme l’assure cet illustre auteur, il n’étoit pas permis aux anciens Germains de peindre leurs dieux sous une figure humaine, pouvant d’ailleurs les honorer sous d’autres représentations ; ils prirent le vaisseau pour le symbole d’Isis, voulant marquer par là de quelle maniere le culte de cette déesse avoit passé dans l’occident chez les Gaules, & de ceux-ci chez eux par les colonies qu’ils y avoient envoyées.

Dom Bernard de Montfaucon dans son bel ouvrage de l’antiquité expliquée par les figures, a donné une belle collection de marbres anciens, de pierres gravées, de médailles, de tables, &c. où sont diverses figures d’Isis, avec ses attributs, & les hieroglyphes d’Egypte dont elles sont accompagnées ; il les a expliquées la plûpart fort heureusement ; on doit lui tenir compte de sa modestie, dans les cas où ne voyant rien il a cru devoir se taire & épargner à ses lecteurs les scolastiques rêveries dont sont remplis les commentaires & les remarques des critiques du moyen âge ; on ne peut, par exemple, que trouver ridicule l’explication que Leonard Augustini dans son ouvrage le banme antiche figurate, nous donne de la pêche & des feuilles de pêcher qui ornent assez souvent la tête d’Isis ; il les prend pour un titre de la vérité, parce que ce fruit a la figure du cœur, & les feuilles celle de la langue, qui réunies ensemble composent la vérité, ancienne divinité honorée des Egyptiens, dans le tems que ce fruit l’un des plus beaux, ne désigne sans doute que la part qu’Isis (la nature) a aux diverses productions de la terre ; si l’on veut ainsi donner essor à son imagination, les roquailles, les aîles de chauves-souris si fort à la mode aujourd’hui, tous les ouvrages admirables de Germain & des autres excellens maîtres de l’art,

Aux Saumaises futurs préparent des tortures.

Isis, fête du vaisseau d’ (Littér.) fête annuelle que les Egyptiens célébroient au mois de Mars en l’honneur du vaisseau d’Isis, depuis qu’ils eurent quitté l’aversion ridicule qu’ils avoient pour la mer.

Cette fameuse fête fut établie par les Egyptiens, comme un hommage qu’ils rendoient à Isis, ainsi qu’à la reine de la mer, pour l’heureux succès de