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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/317

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peu d’agrément ; elles paroissent au commencement de Mai, & elles durent près d’un mois. Les fruits qui leur succedent, sont de la grosseur d’une petite cerise ; ce sont des baies oblongues, vertes au commencement & noires en murissant ; elles sont odorantes, aromatiques, huilleuses & ameres au goût. Cet arbre vient dans tous les terreins ; mais il se plaît sur-tout dans une terre fraîche, bien substantielle, & il aime l’ombre. On peut le multiplier de semences, de branches couchées & de boutures. Ce dernier moyen est aussi long qu’incertain ; on avance un peu plus en couchant les branches, mais elles ne produisent que des plans défectueux & languissans ; il vaut mieux semer, c’est la voie la plus courte, la plus sure & la plus satisfaisante à tous égards. Il faut cueillir les baies du laurier au mois de Janvier, qui est le tems de leur maturité. On peut les semer tout de suite, ou les mettre dans du sable pour attendre le mois de Mars. On fera bien de les faire tremper dans l’eau pendant vingt-quatre heures avant de les semer. Dans ce dernier cas, elles leveront au bout de deux mois : les jeunes plants prendront cette premiere année trois ou quatre pouces de hauteur, & la plûpart s’éleveront l’année suivante à environ un pié. Alors ils seront plus en état qu’à tout autre âge, d’être transplantés dans la place qu’on leur destine. Pendant les trois ou quatre premieres années, l’hiver est un tems bien critique pour ces arbres ; il faudra avoir grand soin de les couvrir de paille dans cette saison, & sur-tout durant le hâle de Mars qui est le fléau des arbres toujours verds, lorsqu’ils sont jeunes ou nouvellement transplantés. Le laurier est peut-être de tous les arbres de cette qualité celui qui réussit le moins à la transplantation. Le mois d’Avril est le tems le plus convenable pour cette opération ; c’est-à-dire un peu avant qu’il ne commence à pousser. Si on vouloit en faire des plantations un peu considérables, en avancer le progrès, s’assurer du succès & se procurer de beaux arbres ; il faudroit les semer sur la place & dans l’arrangement où ils devroient rester. Le plus grand agrément qu’on puisse tirer de cet arbre, c’est de le mettre en palissade pour garnir un mur. On fait quelqu’usage des baies du laurier ; elles servent aux teinturiers : on en tire une huile qui est de quelqu’utilité en Médecine ; mais les maréchaux l’appliquent dans bien des cas. Ses feuilles, lorsqu’elles sont seches, entrent dans plusieurs ragoûts de la vieille cuisine. Il y a plusieurs variétés de cet arbre. Le laurier à larges feuilles, qui est le plus robuste de tous : le laurier à fleur double, dont la rareté fait le mérite : le laurier à feuilles ondées, minutie dont on fait peu de cas : & le laurier à feuilles panachées de jaune, qui a plus d’agrément que les autres, mais aussi il est plus délicat ; il faut le traiter comme les arbrisseaux de l’orangerie. On peut le multiplier par la greffe comme les autres variétés.

Le laurier-cerise est un bel arbre de moyenne grandeur, qui est toujours verd : il nous est venu de la Natolie en Turquie, son pays naturel, il y a environ deux cens ans. On ne voit guere ce laurier sous la forme d’un arbre dans la partie septentrionale de ce royaume, parce qu’il n’est pas assez robuste pour y prendre tout son accroissement ; & comme on est réduit à le tenir en palissade à des expositions qui lui conviennent, on ne le connoît que sous la forme d’un arbrisseau. Il pousse des tiges assez droites, grosses & fermes. Son écorce est brune & unie sur le vieux bois, mais elle est d’un verd jaunâtre sur les nouvelles branches. Ses feuilles sont grandes, oblongues, unies, douces & fermes au toucher, d’un verd tendre des plus brillans. Ses fleurs paroissent au commencement de Mai ; elles sont blanches, sans odeur, & disposées en longues grappes. Les fruits qui en

viennent sont rouges, charnus, & ressemblent à une cerise ; ce qui a fait donner à l’arbre le nom de laurier-cerise : ils sont doux, assez agréables au goût ; on peut les manger sans inconvénient. Cet arbre s’accommode de tous les terreins, pourvû qu’il y ait de la profondeur, de la fraîcheur & de l’ombre. Il se plaît sur-tout parmi les autres arbres. Il croît très promptement, il lui faut peu de culture, & il se multiplie aisément de semence, de branches couchées, de boutures, & par les rejettons qui croissent au pié des vieux arbres. On seme les noyaux du fruit en automne, les branches couchées se font au printems, & les boutures au mois de Juillet : par ce dernier moyen on peut avoir au bout de quatre ans des plans de 8 à 9 piés de haut. Cet arbre réussira difficilement à la transplantation, si les plants sont âgés de plus de deux ou trois ans. L’automne est le tems le plus propre à cette opération. Suivant les auteurs anglois qui ont écrit sur la culture des arbres, le laurier-cerise se greffe sur le cerisier, & il forme un bel arbre ; cependant par quantité d’épreuves que j’ai vû faire à ce sujet, cette greffe ne réussit que pendant deux ou trois années, & souvent dès la seconde la greffe meurt avec le sujet. Ce laurier n’est pas assez robuste pour résister au froid dans des places isolées ; il seroit souvent exposé dans ce cas à être mutilé par les gelées des hivers rigoureux, & même à être desséché jusqu’au pié. Il est vrai que ses racines donnent de nouveaux rejettons, mais cela ne dédommage pas suffisamment. Le meilleur parti qu’on en puisse tirer pour l’agrément, c’est de le placer dans des bosquets d’arbres toujours verds, où il se fera distinguer par la brillante verdure de son feuillage. On peut aussi en former de hautes palissades contre des murs à l’exposition du nord, il y sera moins sujet à être endommagé par la gelée que s’il étoit placé au midi. La feuille de ce laurier est de quelque usage à la cuisine pour donner au lait & à sa crême un goût d’amandes ameres. Mais la liqueur tirée de ces mêmes feuilles par la distillation, peut produire des effets très-pernicieux. On connoît deux variétés & deux especes différentes de cet arbre ; l’une des variétés a les feuilles panachées de jaune, & l’autre de blanc. Toutes les deux n’ont pas grande beauté. Les autres especes de ce laurier sont le laurier-cerise de la Louisiane ou laurier-amande : cet arbre est encore si rare en France, qu’on ne peut entrer dans un détail circonstancié à son sujet. Il y a lieu de croire qu’il pourra venir en plein air dans ce climat, puisqu’il a déja passé plusieurs hivers en pleine terre dans les jardins de M. le duc d’Ayen à Saint-Germain-en laye. Sa feuille a beaucoup de ressemblance avec celle du laurier-franc, néanmoins elle a l’odeur & le goût de l’amande amere. La seconde espece est le laurier-cerise de Portugal, ou l’azarero des Portugais ; c’est l’un des plus jolis arbrisseaux toujours verds. Il s’éleve bien moins que le laurier-cerise ordinaire ; sa feuille est aussi moins grande, mais elle est d’un verd encore plus brillant : la queue des feuilles & l’écorce des jeunes rejettons sont d’une couleur rougeâtre fort vive. L’arbrisseau se couvre au mois de Juin de grosses grappes de fleurs, dont la blancheur & la douce odeur frappent & saisissent de loin ; & en automne, les fruits ne font pas un moindre agrément lors de leur maturité. L’azarero est plus délicat que l’espece commune ; il lui faut un bon terrein, qui ne soit ni trop sec, ni trop humide, & la meilleure exposition pour résister en pleine terre à nos hivers ordinaires. On peut le multiplier par les mêmes moyens, & aussi facilement que le laurier-cerise commun, sur lequel on peut aussi le greffer. Cet arbrisseau se garnit au pié de beaucoup de branches qui s’étendent & s’inclinent, ensorte qu’il faut le soigner pour lui faire prendre une tige & lui former une