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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/321

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étoient morts en triomphant : ce fut ainsi qu’Annibal en usa à l’égard de Marcellus.

Parmi les Grecs, ceux qui venoient de consulter l’oracle d’Apollon, se couronnoient de laurier s’ils avoient reçu du dieu une réponse favorable ; c’est pourquoi dans Sophocle, Œdipe voyant Oreste revenir de Delphes la tête ceinte de lauriers, conjecture qu’il rapporte une bonne nouvelle. Ainsi chez les Romains tous les messagers qui en étoient porteurs, ornoient de lauriers la pointe de leurs javelines. La mort de Mithridate fut annoncée de cette maniere à Pompée. On entouroit semblablement de laurier les lettres & les tablettes qui renfermoient le récit des bons succès : on faisoit la même chose pour les vaisseaux victorieux. Cet ornement se mettoit à la poupe, parce que c’étoit là que résidoient les dieux tutelaires du vaisseau, & que c’étoit à ces dieux que les matelots menacés du naufrage adressoient leurs vœux & leurs prieres. J’ajoûte encore que le laurier étoit un signe de paix & d’amitié, car au milieu de la mêlée l’ennemi le tendoit à son ennemi, pour marquer qu’il se rendoit à lui.

Enfin l’adulation pour les empereurs introduisit l’usage de planter des branches de laurier aux portes de leurs demeures : voilà d’où vient que Pline appelle cet arbre, le portier des Césars, le seul ornement & le fidele gardien de leurs palais, gratissima domibus janitrix, quæ sola & domos exornat, & ante limina Cæsarûm excubat. Voyez, si vous êtes curieux de plus grands détails, la Dissertation de Madrisio dell’Alloro, e suoi vari usi presso gli Antichi.

Mais parcourez tant que vous voudrez tout ce qu’on a pris soin de recueillir en littérature à l’honneur du laurier, vous ne trouverez rien au dessus de l’éloge charmant qu’Ovide en a fait. Je ne connois point de morceau dans ses ouvrages sur un pareil sujet, qui soit plus joli, plus agréable & plus ingénieux ; c’est dans l’endroit de ses métamorphoses, où Apollon ayant atteint Daphné deja changée en laurier, la sent encore palpiter sous la nouvelle écorce qui l’enveloppe : lisez cette peinture.

Complexusque suis ramos, ut membra lacertis,
Oscula dat ligno : refugit tamen oscula lignum.
Cui deus : At quoniam conjux mea non potes esse,
Arbor eris certè, dixit, mea ; semper habebunt
Te coma, te citharæ, te nostræ, laure, pharetræ.
Tu ducibus lætis aderis, cum læta triumphum
Vox canet, & longas visent capitolia pompas.
Postibus augustis, eadem fidissima custos,
Ante fores stabis, mediamque tuebere quercum.
Utque meum intonsis caput est, uvenile capillis,
Tu quoque perpetuos semper gere frondis honores ;
Finierat Pæan : factis modo laurea ramis,
Annuit, utque caput, visa est agitasse cacumen.

« Apollon serre entre ses bras les rameaux du laurier, comme si c’étoit encore la belle nymphe qu’il vient de poursuivre. Il applique au bois des baisers que le bois semble dédaigner. Ce dieu lui adresse alors ces paroles : puisque tu ne peux être mon épouse, tu seras du-moins mon arbre chéri ; laurier, tu seras à jamais l’ornement de ma tête, de ma lyre & de mon carquois. Tu seras l’ornement dés généraux qui monteront triomphans au capitole, au milieu d’une pompe magnifique, & des chants de victoire & d’allégresse. Tu décoreras l’entrée de ces demeures augustes où sont renfermées les couronnes civiques que tu prendras sous ta protection. Enfin, comme la chevelure de ton amant ne vieillit jamais, & qu’elle n’est jamais coupée, je veux que tes rameaux soient toujours verds & toujours les mêmes. Ainsi parla le dieu. Le laurier applaudit à ce discours, & parut agiter son sommet, comme si la nymphe encore

vivante eut fait un signe de tête ». (D. J.)

LAURIUM, (Géogr. anc.) montagne de Grece, dans l’Attique, entre le promontoire Sunium & le port de Pyrée.

Les mines d’argent de l’Attique étoient dans cette montagne, & l’on frappoit une monnoie du métal que l’on en tiroit. Xénophon & Plutarque prétendent qu’elles devenoient plus fécondes à mesure qu’on y creusoit davantage, & qu’elles sembloient redoubler leur libéralité en faveur de ceux qui travailloient à les épuiser ; cependant ce bonheur ne dura pas toujours, les mines du mont Laurium s’épuiserent & tarirent à la fin ; c’est Strabon lib. IX. qui le dit en termes formels. Au reste ces précieuses mines appartenoient originairement à des particuliers d’Athènes ; mais Thémistocle les unit au domaine de la république, & commença par les employer à l’armement de la flotte pour la guerre d’Egine. (D. J.)

LAURO, ou LAURON, (Géog. anc.) ancienne ville de l’Espagne tarragonoise, ou les troupes de Jules César défirent celles de Sextus Pompée qui y périt. C’est présentement ou le bourg de Liria dans le royaume de Valence, à 5 lieues de la capitale, ou Laurigi qui n’en est pas loin. (D. J.)

LAUS, (Géog. anc.) riviere & petite ville d’Italie, dans la Lucanie, selon Pline, lib. III. cap. v. Collenius & D. Marhezo Egitio prétendent que la riviere Laus est aujourd’hui le Sapri, & que le Laus sinus est le golfe de Poliastro, qui prenoit ce nom du fleuve Laus.

LAUSANNE, Lausanna ou Lausanum, (Géog.) ville de Suisse, capitale du pays de Vaud, au canton de Berne.

C’est un lieu très-ancien, puisqu’il est désigné dans l’itinéraire d’Antonin entre la colonie équestre qui est Nyon, & Urba qui est Orbe. On y voit marqué lacus lausonius, ce qui prouve que le lac Léman a porté le nom de lac de Lausanne, avant que de prendre celui de Genève. Selon quelques auteurs Valerius Aurelianus bâtit Lausanne des ruines d’Arpentine ; mais on ne sait rien de certain sur son origine.

Cette ville a eu les mêmes révolutions & les mêmes seigneurs que le pays de Vaud, jusqu’à la mort de Bertold V duc de Zéringen : elle étoit déja franche & libre ; ensuite l’évêque de Lausanne devint prince de la ville, mais avec la conservation de tous les privileges des habitans.

Les Bernois ayant conquis sur Charles II. duc de Savoie le pays de Vaud, se rendirent maîtres de Lausanne, d’où ils bannirent l’exercice de la religion romaine, donnerent à leur bailli les revenus de la manse épiscopale, & ceux de la manse du chapitre au college qu’ils établirent, & que l’on nomme académie : elle fleurit dès le commencement de son établissement, & n’a point dégénéré.

L’évêque Sébastien de Montfaucon qui tenoit alors le siege épiscopal de Lausanne, fut contraint de se retirer à Fribourg, avec le vain titre d’évêque de Lausanne & de prince de l’empire, n’ayant pour vivre que ce qu’il recevoit de Savoie. Ses successeurs qui prennent toujours les mêmes titres, sont nommés par les rois de Sardaigne qui pourvoient à leur subsistance.

On croit que le siege épiscopal de cette ville avoit été établi au commencement du vij. siecle par l’évêque Marius, appellé vulgairement saint Maire, après la destruction d’Avanches (Aventicum) où ce siége étoit auparavant.

L’église cathédrale fut dédiée par le pape Grégoire XX, l’an 1275 en présence de l’empereur Rodolphe de Habsbourg.

Les peres du concile de Bâle ayant quitté Bâle en