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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/433

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bien net, & laissez les reposer jusqu’à ce que la poudre soit descendue au fond. Vuidez ensuite légérement l’eau qui reste dessus, & faites sécher la poudre au soleil ; & lorsqu’elle sera bien seche vous la serrerez proprement. Quand vous en voudrez faire usage, prenez de la gomme ammoniaque, de celle qui est en larmes & en morceaux ronds ou ovales, blancs dans leur intérieur, & jaunâtres au-dehors, très-bien lavée, & émondée de la peau jaune qui la couvre. Mettez-la ensuite détremper l’espace d’une nuit dans du vinaigre distillé, que vous trouverez le lendemain de la plus grande blancheur ; vous passerez le tout ensuite à-travers un linge bien propre, & vous y mêlerez de la poudre de coquilles d’œufs. Cette encre est si blanche qu’elle peut se voir sur le papier.

Moyen de révivifier l’encre effacée. Prenez un demi-poisson d’esprit-de-vin, cinq petites noix de galle (plus ces noix seront petites, meilleures elles seront) ; concassez-les, reduisez-les en une poudre menue ; mettez cette poudre dans l’esprit-de-vin. Prenez votre parchemin ou papier, exposez-le deux minutes à la vapeur de l’esprit-de-vin échauffé. Ayez un petit pinceau, ou du coton ; trempez-le dans le mélange de noix de galle & d’esprit-de-vin, & passez-le sur l’écriture : l’écriture effacée reparoîtra, s’il est possible qu’elle reparoisse. Article de M. Paillasson, expert écrivain-juré.

LETTRÉS, Litradas, (Littérat.) nom que les Chinois donnent à ceux qui savent lire & écrire leur langue. Voyez Chinois.

Il n’y a que les lettrés qui puissent être élevés à la qualité de mandarins. Voyez Mandarins. Lettrés est aussi dans le même pays le nom d’une secte qu’on distingue par ses sentimens sur la religion, la Philosophie, la politique. Elle est principalement composée de gens de lettres du pays, qui lui donnent le nom de jukiao, c’est-à-dire les savans ou gens de lettres.

Elle s’est élevée l’an 1400 de J. C. lorsque l’empereur, pour réveiller la passion de son peuple pour les Sciences, dont le goût avoit été entierement émoussé par les dernieres guerres civiles, & pour exciter l’émulation parmi les mandarins, choisit quarante-deux des plus habiles docteurs, qu’il chargea de composer un corps de doctrine conforme à celle des anciens, pour servir desormais de regle du savoir, & de marque pour reconnoître les gens de lettres. Les savans préposés à cet ouvrage, s’y appliquerent avec beaucoup d’attention ; mais quelques personnes s’imaginerent qu’ils donnerent la torture à la doctrine des anciens pour la faire accorder avec la leur, plutôt qu’ils ne formerent leurs sentimens sur le modele des anciens. Ils parlent de la divinité comme si ce n’étoit rien de plus qu’une pure nature, ou bien le pouvoir & la vertu naturelle qui produit, arrange & conserve toutes les parties de l’univers. C’est, disent-ils, un pur & parfait principe, sans commencement ni fin ; c’est la source de toutes choses, l’espérance de tout être, & ce qui se détermine soi-même à être ce qu’il est. Ils font de Dieu l’ame du monde ; il est, selon leurs principes, répandu dans toute la matiere, & il y produit tous les changemens qui lui arrivent. En un mot, il n’est pas aisé de décider s’ils réduisent l’idée de Dieu à celle de la nature, ou s’ils élevent plutôt l’idée de la nature à celle de Dieu : car ils attribuent à la nature une infinité de ces choses que nous attribuons à Dieu.

Cette doctrine introduisit à la Chine une espece d’athéïsme raffiné, à la place de l’idolatrie qui y avoit régné auparavant. Comme l’ouvrage avoit été composé par tant de personnes réputées savantes & versées en tant de parties, que l’empereur lui-même lui avoit donné son approbation, le corps de doctrine

fut reçu du peuple non seulement sans contradiction, mais même avec applaudissement. Plusieurs le goûterent, parce qu’il leur paroissoit détruire toutes les religions ; d’autres en furent satisfaits, parce que la grande liberté de penser qu’il leur laissoit en matiere de religion, ne leur pouvoit pas donner beaucoup d’inquiétude. C’est ainsi que se forma la secte des lettrés, qui est composée de ceux des Chinois qui soutiennent les sentimens que nous venons de rapporter, & qui y adherent. La cour, les mandarins, les gens de qualité, les riches, &c. adoptent presque généralement cette façon de penser ; mais une grande partie du menu peuple est encore attachée au culte des idoles.

Les lettrés tolerent sans peine les Mahométans, parce que ceux-ci adorent comme eux le roi des cieux & l’auteur de la nature ; mais ils ont une parfaite aversion pour toutes les sectes idolatres qui se trouvent dans leur nation. Ils résolurent même une fois de les extirper, mais le desordre que cette entreprise auroit produit dans l’empire les empêcha ; ils se contentent maintenant de les condamner en général comme autant d’hérétiques, & renouvellent solemnellement tous les ans à Pékin cette condamnation.

LETTRINE, terme d’Imprimeur ; les lettrines sont des lettres dont l’on accompagne un mot qui est expliqué à la marge, ou en note au bas de la page. Ces sortes de lettres se mettent ordinairement en italique & entre deux parenthèses, & se répetent ainsi au commencement de l’explication ou interprétation à laquelle on renvoie.

LETUS, (Géog. anc.) montagne d’Italie dans la Ligurie, selon Tite-Live & Valere-Maxime ; Léandre prétend que c’est aujourd’hui l’Alpi del peregrino. (D. J.)

LEÛ ou LÛ, (Jurisprud.) & publié. Voyez Enregistrement, & au mot Lecture. (A)

LEVACI, (Géog. anc.) ancien peuple de la Gaule, entre les Eliens & les Nerviens, selon César, de bell. gall. lib. V. cap. xxxix. Nicolas Samson conjecture que le pays de la Lœuvre, entre la Flandres & l’Artois, ou le pays de Vaes en Flandres, répond au nom de ce peuple. (D. J.)

LEVAGE, s. m. (Jurisprud.) qui est aussi appellé petite coutume, c’est-à-dire une même prestation ou redevance dûe, suivant la coutume & l’usage, est une espece de layde qui appartient au seigneur justicier pour les denrées qui ont séjourné huit jours en son fief, & y ont été vendues & transportées en autre main, & mises hors de ce fief ; il est dû par l’acheteur, & le seigneur prend aussi ce droit sur les biens de ses sujets qui vont demeurer hors son fief : ce droit ne doit point excéder cinq sols. Voyez la coutume d’Anjou, art. 9, 10, & 30. & celle du Maine, art. 10, 11, & 35. (A)

LEVAIN, s. m. (Chimie.) voyez Ferment, Chimie.

Levain, (Boulanger.) est un morceau de pâte de la fournée précédente qu’on laisse aigrir pour le délayer ensuite avec la pâte qu’on fait le lendemain, la soutenir & la faire lever. On fait quelquefois aigrir le levain avec du sel & de la levûre de biere, quand il y a trop peu de tems jusqu’à la prochaine fournée, pour qu’il puisse s’aigrir naturellement.

LEVANA, s. f. (Mythol.) divinité tutélaire des enfans ; elle présidoit à l’action de celui qui levoit un enfant de terre : car quand un enfant étoit né, la sage-femme le mettoit par terre, & il falloit que le pere ou quelqu’un de sa part, le levât de terre, & le prit entre ses bras, sans quoi il passoit pour illégitime. La déesse Levana avoit ses autels à Rome, où on lui offroit des sacrifices. Voyez Dempster, Paral.