Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rie n’existoit pas encore. La naissance de cet art heureux, qui multiplie à l’infini avec une netteté admirable & une facilité incompréhensible, ce qui coutoit tant d’années à copier à la plume, renouvella la Librairie ; alors que d’entreprises considérables étendirent son commerce ou plûtôt le recréerent ! Cette précieuse découverte fixa les regards de nos souverains, & huit rois consécutifs la jugerent digne de leur attention ; la Librairie partagea encore avec elle ses privileges. Ce n’est pas qu’actuellement ces exemptions, dont nous avons parlé plus haut, subsistent en entier ; le tems qui détruit tout, la nécessité de partager la charge de l’état, & d’être avant tout citoyen, les ont presque abolies.

Le chancelier de France est le protecteur né de la Librairie. Lorsque M. de Lamoignon succéda dans cette place à M. d’Aguesseau, d’heureuse mémoire, sachant combien les Lettres importent à l’état, & combien tient aux Lettres la Librairie, ses premiers soins furent de lui choisir pour chef un magistrat amateur des Savans & des Sciences, savant lui-même. Sous les nouveaux auspices de M. de Malesherbes, la Librairie changea de face, prit une nouvelle forme & une nouvelle vigueur ; son commerce s’aggrandit, se multiplia ; de sorte que depuis peu d’années, & presque à la fois, l’on vit éclore & se consommer les entreprises les plus considérables. L’on peut en citer ici quelques-unes : l’histoire des voyages, l’histoire naturelle, les transactions philosophiques, le catalogue de la bibliotheque du roi, la diplomatique, les historiens de France, le recueil des ordonnances, la collection des auteurs latins, le Sophocle en grec, le Strabon en grec, le recueil des planches de l’Encyclopédie ; ouvrages auxquels on auroit certainement pu joindre l’Encyclopédie même, si des circonstances malheureuses ne l’avoient suspendue. Nous avouerons ici avec reconnoissance ce que nous devons à sa bienveillance. C’est à ce magistrat, qui aime les Sciences, & qui se récrée par l’étude de ses pénibles fonctions, que la France doit cette émulation qu’il a allumée, & qu’il entretient tous les jours parmi les Savans ; émulation qui a enfanté tant de livres excellens & profonds, de sorte que sur la Chimie seulement, sur cette partie autrefois si négligée, on a vû depuis quelque tems plus de traités qu’il n’y avoit de partisans de cette science occulte il y a quelques années.

LIBRARII, s. m. pl. (Hist. Littér.) nom que les anciens donnoient à une espece de copistes qui transcrivoient en beaux caracteres, ou au-moins en caracteres lisibles, ce que les notaires avoient écrit en notes & avec des abréviations. Voyez Note, Notaire, Calligraphe.

LIBRATION, s. f. (en Astronom.), est une irrégularité apparente dans le mouvement de la lune, par laquelle elle semble balancer sur son axe ; tantôt de l’orient à l’occident, & tantôt de l’occident à l’orient ; de-là vient que quelques parties du bord de la lune qui étoient visibles, cessent de l’être & viennent à se cacher dans le côté de la lune que nous ne voyons jamais, pour redevenir ensuite de nouveau visibles.

Cette libration de la lune a pour cause, l’égalité de son mouvement de rotation sur son axe, & l’inégalité de son mouvement dans son orbite ; car si la lune se mouvoit dans un cercle dont le centre fût le même que celui de la terre, & qu’en même-tems elle tournât autour de son axe dans le tems précis de sa période autour de la terre ; le plan du méridien de la lune passeroit toujours par la terre, & cet astre tourneroit vers nous constamment & exactement la même face ; mais comme le mouvement réel de la lune se fait dans une ellipse dont la

terre occupe le foyer, & que le mouvement de la lune sur son propre centre est uniforme, c’est-à-dire, que chaque méridien de la lune décrit par ce mouvement des angles proportionnels aux tems ; il s’ensuit de-là que ce ne sera pas constamment le même méridien de la lune qui viendra passer par la terre.

Soit ALR, (fig. astron.) l’orbite de la lune, dont le foyer T est au centre de la terre. Si l’on suppose d’abord la lune en A, il est clair que le plan d’un de ses méridiens MN étant prolongé, passera par le point T, ou par le centre de la terre. Or, si la lune n’avoit aucune rotation autour de son axe, comme elle s’avance chaque jour sur son orbite, ce même méridien MN seroit toujours parallele à lui-même, & la lune étant parvenue en L, ce méridien paroîtroit dans la situation représentée par PQ, c’est-à-dire, parallélement à MN : mais le mouvement de rotation de la lune autour de son axe qui est uniforme, est cause que le méridien MN, change de situation ; & parce qu’il décrit des angles proportionnels au tems & qui répondent à quatre angles droits dans l’espace d’une révolution périodique, il sera par conséquent dans une situation mLn, tel que l’angle QLN qu’il forme avec PQ, seroit à un angle droit ou de 90d, comme le tems que la lune emploie à parcourir l’arc AL est au quart du tems périodique. Mais le tems que la lune emploie à parcourir l’arc AL, est au quart du tems périodique, comme l’aire ATL est à l’aire ACL, ou au quart de l’aire elliptique ; ainsi l’angle QLN sera à un angle droit dans le même rapport : & d’autant que l’aire ATL est beaucoup plus grande que l’aire ACL, de même l’angle QLN sera nécessairement plus grand qu’un angle droit. Or, puisque QLT est un angle aigu, il s’ensuit que l’angle QLN qui est obtus sera plus grand que l’angle QLT, & partant la lune étant en L, ce même méridien mn dont le plan passoit par le centre de la terre, lorsque la lune étoit au point A, ne sauroit être dirigé vers le point T ou vers le centre de la terre. Il est donc vrai de dire, que l’hémisphère visible de la lune ou qui est tourné vers la terre en L, n’est plus exactement le même qu’il étoit apperçu lorsque la lune s’est trouvée en A, & qu’ainsi au-delà du point Q de la circonférence du disque, on pourra découvrir quelques régions qui n’étoient nullement visibles auparavant. Enfin, lorsque la lune sera parvenue au point R de son orbite où elle est périgée, comme son méridien mn aura précisément achevé une demi-révolution, alors le plan de ce méridien passera exactement par le centre de la terre. On verra donc en ce cas le disque de la lune au même état que lorsqu’elle étoit apogée en A ; d’où il suit que les termes de la libration de la lune sont l’apogée & le périgée, & que ce phénomene peut s’observer deux fois dans chaque lunaison, ou dans chaque mois périodique. Inst. Astr. de M. le Monnier.

Au reste, si la figure de la lune étoit parfaitement sphérique, comme on l’a supposé jusqu’ici, la libration seroit purement optique ; mais j’ai prouvé dans mes Recherches sur le système du monde II. part. art. 363 & suiv. que si la lune s’écarte tant soit peu de la figure sphérique, il peut & il doit y avoir une cause physique dans la libration. Comme ce détail est trop étendu & trop géométrique pour être inseré ici, j’y renvoie le lecteur. (O)

Libration de la terre ; c’est, suivant quelques anciens astronomes, le mouvement par lequel la terre est tellement retenue dans son orbite, que son axe reste toujours parallele à l’axe du monde.

C’est ce que Copernic appelloit les mouvemens de libration.