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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/544

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res de différentes qualités. A ces terres il s’en joint souvent une autre qui est formée par la décomposition des végétaux : c’est à cette terre qu’il faut attribuer la partie visqueuse & la couleur noire ou brune du limon que l’on trouve, sur-tout au fond des eaux stagnantes ; c’est encore de cette décomposition des plantes vitrioliques & des feuilles, que paroît venir la partie ferrugineuse qui se trouve souvent contenue dans quelques especes de limon.

Le limon que déposent les rivieres, mérite toute l’attention des Naturalistes : il est très-propre à leur faire connoître la formation du tuf & de plusieurs des couches, dont nous voyons différens terreins composés : on pourra en juger par les observations suivantes, que M. Schober directeur des mines du sel-gemme de Wicliska en Pologne, a faites sur le limon que dépose la Sala : ces observations sont tirées du magazin de Hambourg, tome III.

La Sala ou Saale est une riviere à peu-près de la force de la Marne ; après avoir traversé la Thuringe, elle se jette dans l’Elbe. M. Schober s’étant apperçu qu’à la suite de grandes pluies, cette riviere s’étoit chargée de beaucoup de terres, fut tenté de calculer combien elle pouvoit entraîner de parties terrestres en vingt-quatre heures. Pour avoir un prix commun, il puisa à cinq heures du soir de l’eau de la Sala, dans un vaisseau qui contenoit dix livres, trois onces, & deux gros d’eau. Vingt quatre heures après, il puisa la même quantité d’eau dans un vaisseau tout pareil ; il laissa ces deux vaisseaux en repos, afin que le limon eût tout le tems de se déposer. Au bout de quelques jours, il décanta l’eau claire qui surnageoit au dépôt, & ayant recueilli le limon qui étoit au fond, il le fit secher au soleil, il trouva que l’eau du premier vaisseau avoit déposé deux onces & deux gros & demi d’un limon argilleux, & que celle du second vaisseau n’en avoit déposé que deux gros. Ainsi, vingt livres six onces & demie d’eau avoient donné deux onces & quatre gros & demi de limon séché. M. Schober humecta de nouveau ce limon argilleux, & il en forma un cube d’un pouce en tout sens : ce cube pesoit une demi-once & 3 gros, d’où l’on voit qu’un pié cube, ou 1728 pouces cubiques, devoit peser 96 livres & 10 onces. Le pié cube d’eau pese cinquante livres ; ainsi en prenant 138 piés cubes de l’eau, telle que celle qui avoit été puisée dans le premier vaisseau, pour produire un pié cubique de limon, il faudra compter 247 piés cubes d’eau pour les deux expériences prises à la fois. M. Schober a trouvé qu’il passoit 1295 piés cubes d’eau en une heure, par une ouverture qui a 1 pouce de largeur & 12 pouces de hauteur. L’eau de la Sala, resserrée par une digue, passe par un espace de 372 piés, ce qui fait 4464 pouces ; si elle est restée aussi trouble & aussi chargée de terre que celle du premier vaisseau, seulement pendant une heure de tems, il a du passer pendant cette heure, 5780880 piés cubes d’eau, qui ont du entraîner 41890 piés cubes de limon ; ce qui produit une quantité suffisante de limon pour couvrir une surface quarrée de 204 piés, de l’épaisseur d’un pié. Mais si l’on additionne le produit des deux vaisseanx, on trouvera que, puisque 20 livres 6 onces d’eau ont donné 2 onces 4 de limon ; & si on suppose que l’eau a coulé de cette maniere, pendant vingt-quatre ; on trouvera, dis-je, que pendant ce tems, il a dû s’écouler 138741120 piés cubes d’eau, qui ont dû charrier 561705 piés cubes de limon, quantité qui suffit pour couvrir d’un pié d’épaisseur une surface quarrée de 749 piés.

On peut conclure de-là que, si une petite riviere, telle que la Sala, entraîne une si grande quantité de limon, l’on doit présumer que les grandes rivie-

res, telles que le Rhin, le Danube, &c. doivent en

plusieurs siécles, en entraîner une quantité immense, & les porter au fond de la mer, dont par conséquent, le lit doit hausser contiuellement. Cependant tout ce limon ne va point à la mer : il en reste une portion considérable qui se dépose en route sur les endroits qui sont inondés par les débordemens des rivieres. Suivant la nature du limon qui se dépose, il se forme dans les plaines qui ont été inondées, différentes couches, qui par la suite des tems se changent en tuf ou en pierre, & qui forment cette multitude de lits ou de couches de différente nature, que nous voyons se succéder les unes aux autres dans la plûpart des plaines qui sont sujettes aux inondations des grandes rivieres.

Nous voyons aussi que le limon apporté par les rivieres ne produit point toujours les mêmes effets ; souvent il engraisse les terres sur lesquelles il se répand : c’est ce qu’on voit sur-tout dans les inondations du Nil, dont le limon gras & onctueux fertilise le terrein sablonneux de l’Egypte ; d’autres fois ce limon nuit à la fertilité des terres, parce qu’il est plus maigre, plus sablonneux, & en général moins adapté à la nature du terrein sur lequel les eaux l’ont déposé. Il y a du limon qui est nuisible aux terres, parce qu’étant trop chargé de parties végétales acides (pour se servir de l’expression vulgaire), il rend le terrein trop froid ; quelquefois aussi ce limon étant trop gras, & venant à se répandre sur un terrein déja gras & compacte, il le gâte & lui ôte cette juste proportion qui est si avantageuse pour la végétation. (—)

Limon, s. m. (Médec. Pharmac. Cuisine, Arts.) fruit du limonier. L’écorce des limons est remplie d’une huile essentielle, âcre, amere, aromatique, fortifiante & cordiale, composée de parties très subtiles ; elle brûle à la flamme, & se trouve contenue dans de petites vessies transparentes. Le suc des limons communique, par son acidité, une belle couleur pourpre à la conserve de violette, & au papier bleu ; il est pareillement renfermé dans des cellules particulieres.

L’huile essentielle des limons, vulgairement nommé huile de neroli, a les mêmes propriétés que celles de citron.

Pour faire l’eau de limon, on distille au bain marie des limons, pilés tout entiers, parce que de cette maniere, la partie acide est imbue de l’huile essentielle, & acquiert une vertu cardiaque, sans échauffer.

Tout le monde sait, que la limonade est un breuvage que l’on fait avec de l’eau, du sucre & des limons. Cette liqueur factice a eu l’honneur de donner son nom à une communauté de la ville de Paris, qui n’étoit d’abord que des especes de regrattiers, lesquels furent érigés en corps de jurande en 1678.

Il ne faut pas confondre la simple limonade faite d’eau de limons & de sucre, avec celle dont on consomme une si grande quantité dans les îles de l’Amérique, & qu’on nomme limonade à l’angloise ; cette derniere est composée de vin de Canarie, de jus de limon, de sucre, de cannelle, de gérofle, & d’essence d’ambre ; c’est une boisson délicieuse.

Le suc de limon est ajouté à divers purgatifs, pour les rendre moins desagréables & plus efficaces dans leur opération. Par exemple, on prend séné oriental une drachme, manne trois onces, sel végétal un gros, coriandre demi-gros, feuilles de pinprenelle deux poignées, limon coupé par tranches ; on verse sur ces drogues, deux pintes d’eau bouillante ; on macere le tout pendant la nuit, on le passe ; on y ajoute quelques gouttes d’huile essentielle d’écorce de citron, & l’on partage cette tisanne