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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/562

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là ; mais Suidas ne cite pas toujours les auteurs qu’il copie ; plus souvent il les copie mal : quelquefois il confond les personnes & les événemens ; quelquefois il conte différemment le même fait, ou attribue à différentes personnes les actions d’une seule. Avant Kuster, ce lexique de Suidas étoit donc très-défectueux. Il y a peut-être laissé encore bien des erreurs ; mais enfin, il l’a mis au jour sur la collection des plus anciens manuscrits. Il a réformé la traduction de Portus ; il a corrigé ou rétabli huit à dix mille mots dans le texte ; il a rapporté à leurs sources quantité de passages, dont les auteurs originaux n’étoient pas indiqués. Il s’occupa jour & nuit de cette besogne pendant quatre ans, avec tant d’attache que s’étant une fois réveillé au bruit du tonnerre, il ne songea dans sa frayeur qu’à sauver son cher Suidas, avec tout l’empressement que peut avoir un pere pour sauver son fils unique.

M. Kuster donna l’Aristophane en 1710, en 3 vol. in-fol. & son édition supérieure à toutes, n’entre en comparaison avec aucune des précédentes. Sophocle, le plus ancien & le plus élevé des tragiques grecs qui nous restent, étoit avant l’édition de Kuster, l’un des plus défigurés, & qui demandoit le plus les soins d’un habile critique.

En 1712, il mit au jour une nouvelle édition du testament grec de Mill, ce célebre professeur d’Oxfort qui avoit employé plus de 30 ans à cet ouvrage, que tant de gens attaquerent de toutes parts.

M. Kuster mourut à Paris en 1717, âgé de 46 ans, étant alors occupé à préparer une nouvelle édition d’Hésychius, lexicographe plus difficile en un sens, & beaucoup plus utile à certains égards que Suidas, parce qu’Hésychius est plein de mots singuliers, qui ne se trouvent point ailleurs, & dont la signification n’est souvent expliquée que par un certain nombre de synonymes de la même langue, qui en supposent une connoissance parfaite. Le travail de Kuster sur Hésychius, ne s’est trouvé poussé au-moins à demeure que jusqu’à la lettre ΗΤΑ. Je supprime les autres ouvrages de cet habile humaniste, sans croire néanmoins m’être trop étendu sur ceux qu’il a mis au jour ; car tous nos lecteurs ne connoissent pas assez Suidas, Hésychius, Mill, Aristophane & Sophocle ; mais voyez l’éloge de Kuster par M. de Boze. (D. J.)

Lippe, (Géog. anc. & mod.) riviere d’Allemagne dans la Westphalie ; Tacite la nomme Luppia, Pomponius Méla Lupia, Dion & Strabon Λουπίας ; & dans les annales de France, on l’appelle Lippa & Lippia. Elle a sa source au pié du château & bourg de Lippspring, nom même qui l’indique, & à un mille de Paderborn dans l’évêché de ce nom. Strabon a cru qu’elle se perdoit dans la mer, avec l’Ems & le Wéser, ce qui est une grande erreur ; elle se perd dans le Rhin, au dessus & auprès de Wésel.

C’est aux bords de la Lippe que mourut Drusus, frere cadet de Tibere, après avoir reçu le consulat à la tête de ses troupes en 734, à l’âge de 30 ans, dans son camp appellé depuis, par la raison de sa perte, le camp détestable, castra scelerata.

On eut tort toutefois de s’en prendre au camp, puisque la mort du fils de Livie fut causée par une chute de cheval qui s’abattit sous lui, & lui rompit une jambe. Il avoit soumis les Sicambres, les Usipètes, les Frisiens, les Chérusques & les Cattes, & s’étoit avancé jusqu’à l’Elbe. Il joignit le Rhin & l’Yssel par un canal qui subsiste encore aujourd’hui. Enfin, ses expéditions germaniques lui mériterent le surnom de Germanicus, qui devint héréditaire à sa postérité. Ses belles qualités le firent extrèmement chérir d’Auguste, qui dans son testament l’appelloit avec Caïus & Lucius pour lui succéder. Rome lui dressa des statues, & on éleva en son honneur des

arcs de triomphes & des mausolées jusques sur les bords du Rhin. (D. J.)

LIPPITUDE, lippitudo, (Méd. & Chirur. Ocul.) est un mot employé par Celse pour signifier une maladie des yeux, autrement nommée ophthalmie. Voyez Ophthalmie.

Lippitude, chez les auteurs modernes signifie la maladie appellée vulgairement chassie, qui consiste dans l’écoulement d’une humeur épaisse, visqueuse & âcre qui suinte des bords des paupieres, les colle l’une à l’autre, les enflamme & souvent les ulcere. Voyez Sclérophthalmie.

L’application des compresses trempées dans la décoction des racines d’althea est fort bonne pour humecter & lubrifier les paupieres & le globe de l’œil dans la lippitude ou chassie. (Y)

LIPPSTADT, Lippia, (Géog.) ville d’Allemagne dans la Westphalie, capitale du comté de la Lippe, autrefois libre, & impériale, à présent sujette en partie à ses comtes & en partie au roi de Prusse, électeur de Brandebourg. Il est vraissemblable que c’est une ville nouvelle, fondée dans le xij. siecle, quoique quelques-uns la prennent pour la Luppia de Ptolomée. Elle est dans un marais mal-sain sur la Lippe, à 7 lieues S. O. de Paterborn, 13 S. E. de Munster. Long. 26. 2. lat. 51. 43. (D. J.)

LIPTOTE, s. f. (Rhétor.) c’est la figure que l’on appelle autrement de diminution, parce qu’elle augmente & renforce la pensée, lorsqu’elle semble la diminuer par l’expression. Cette figure est de toutes les langues & de tous les pays. Les orateurs & les poëtes l’emploient souvent avec grace. Non sordidus autor naturæ, verique, désigne dans Horace un admirable auteur sur la Physique & sur la Morale. Neque tu choreas sperne, puer, veut dire, aimez, goûtez à votre âge les danses & les ris. Qui prodest quod me ipsum non spernis, Aminta, signifie dans Virgile : votre tendre amour, Amintas, m’est encore un surcroît de peines. Cette figure est si commune en françois, que je n’ai pas besoin d’en citer des exemples ; nous disons d’un buveur qu’il ne hait pas le vin, pour dire qu’il ne peut pas résister à ce goût, &c. (D. J.)

LI-PU ou LI-POU, (Hist. mod.) c’est ainsi qu’on nomme à la Chine la cour supérieure ou le grand tribunal, composé des premiers magistrats qui sont au-dessus de tous les mandarins & ministres de l’empire chinois. On pourroit les nommer assez justement les inquisiteurs de l’état, vu que ce tribunal est chargé de veiller sur la conduite de tous les officiers & magistrats des provinces, d’examiner leurs bonnes ou mauvaises qualités, de recevoir les plaintes des peuples, & d’en rendre compte à l’empereur, auprès de qui ce conseil réside ; c’est de ses rapports & de ses décisions que dépend l’avancement des officiers à des postes plus éminens, ou leur degradation, lorsqu’ils ont commis des fautes qui la méritent ; le tout sous le bon plaisir de l’empereur qui doit ratifier les décisions du tribunal.

Les Chinois donnent encore le nom de li-pu à un autre tribunal chargé des affaires de la religion. Voyez Rites, tribunal des.

LIPYRIE, s. f. (Médec.) espece de fievre continue ou rémittente, accompagnée de l’ardeur interne des entrailles & d’un grand froid extérieur.

Causes de cette fievre. Toute acrimonie particuliere irritante, logée dans un des visceres, & agissant sur les filets nerveux de cette partie, peut allumer la fievre lipyrie, & produire une sensation interne de chaleur brûlante, tandis que les vaisseaux des muscles resserrés par des spasmes, privent les parties externes du cours du sang, & y causent un sentiment de froid insuportable ; ainsi l’inflammation des intestins, du foie, de la vésicule du fiel empêchant la sé-