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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/585

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diverses couleurs, brodées d’or & de pourpre ; 3°. enfin dans les trépiés d’or & d’argent.

Pline, l. XXXIII. c. xj. remarque qu’il n’étoit pas extraordinaire sous Auguste, de voir les lits de table entierement couverts de lames d’argent, garnis des matelats les plus mollets, & des courtepointes les plus riches. Du tems de Seneque, ils étoient communément revêtus de lames d’or, d’argent ou d’électrum, métal d’or allié avec l’argent. Cette mode passa de l’Orient à Rome, comme il paroît par la pompe triomphale de Lucullus, dont Plutarque nous a laissé la description.

Aulugelle se plaignant du luxe des Romains en lits d’or, d’argent & de pourpre, ajoûte qu’ils donnoient aux hommes dans leurs festins, des lits plus magnifiques qu’aux dieux mêmes ; cependant un docteur de l’Eglise, en parlant des lits des dieux, dit : dii vestri tricliniis celestibus, atque in chalcidicis aureis cænitant. En effet, un auteur grec fait mention d’un lit des dieux, qui étoit tout d’or dans l’île de Pandere. Que devoit-ce être des lits des hommes, s’ils les surpassoient encore !

Ciaconius qui a épuisé ce sujet dans sa dissertation de triclinio, vous en instruira. Il vous apprendra le degré de somptuosité où l’on porta la diversité de ces lits, suivant les saisons ; car il y en avoit d’été & d’hiver. Il vous indiquera la matiere de ces divers lits, le choix des étoffes & de la pourpre ; enfin leur perfection en broderie. Pour moi j’aime mieux ne vous citer que ce seul vers d’Ovide, qui peint l’ancienne pauvreté romaine : « Les lits de nos peres n’étoient garnis que d’herbes & de feuilles ; il n’appartenoit qu’aux riches de les garnir de peaux,

Qui pelles poterat addere, dives erat ».

La mode donna à ces lits depuis deux piés jusqu’à quatre piés de hauteur ; elle en changea perpétuellement la forme & les contours. On en fit en long, en ovale, en forme de croissant ; & ensuite on les releva un peu sur le bout qui étoit proche de la table, afin qu’on fût appuyé plus commodément en mangeant. On les fit aussi plus ou moins grands, non seulement pour être à son aise, mais encore afin que chaque lit pût tenir au besoin, sans se gêner, quatre ou cinq personnes ; d’où vient qu’Horace dit, Sat. jv. l. I. v. 86 : « Vous voyez souvent quatre personnes sur chacun des trois lits qui entourent une table ».

Sæpè tribus lectis videas cænare quaternos.

Plutarque nous apprend que César après ses triomphes, traita le peuple romain à vingt-deux mille tables à trois lits. Comme il est vraissemblable que le peuple ne se fit point de scrupule de se presser pour un ami, & de se mettre quelquefois quatre, il en résulte qu’il y avoit au-moins deux cens mille personnes à ces vingt mille tables, aux dépens de César : lisez au mot Largesse ce que j’ai dit de l’argent qu’il avoit employé pour se faire des créatures.

Puisque dans les repas publics on faisoit manger le peuple romain sur des lits, l’on ne doit pas s’étonner de voir cet usage établi en Italie sous le regne de Néron, jusque parmi les laboureurs : Columelle leur en fait le reproche, & ne leur permet qu’aux jours de fêtes.

Quant aux tables autour desquelles les lits étoient rangés, c’est assez d’observer ici, que de la plus grande simplicité, on les porta en peu de tems à la plus grande richesse. Les convives y venoient prendre place à la sortie du bain, revêtus d’une robe qui ne servoit qu’aux repas, & qu’on appelloit vestis cænatorîa, vestis convivalis. C’étoit encore le maître de la maison qui fournissoit aux conviés ces robes de festins qu’ils quittoient après le repas.

Nous avons des estampes qui nous représentent

ces robes, ces tables, ces lits, & la maniere dont les Romains étoient assis dessus pour manger, mais je ne sais si, dans plusieurs de ces estampes, l’imagination des artistes n’a pas suppléé aux monumens : du-moins il s’y trouve bien des choses difficiles à concilier. Il vaut donc mieux s’en tenir aux seules idées qu’on peut s’en former par la lecture des auteurs contemporains, & par la vûe de quelques bas-reliefs, qui nous en ont conservé des représentations incomplettes.

Dans l’un de ces bas-reliefs on voit une femme à table, couchée sur un des lits, & un homme près d’elle, qui se prépare à s’y placer quand on lui aura ôté ses souliers : on sait que la propreté vouloit qu’on les ôtât dans cette occasion. La femme paroît couchée un peu de côté, & appuyée sur le coude gauche, ayant pour tout habillement une tunique sans manche, avec une draperie qui l’enveloppe au-dessus de la ceinture jusqu’en bas. Elle a pour coëffure une espece de bourse où sont ses cheveux, & qui se ferme autour de la tête.

La Planche XIV. du tome I. des peintures antiques d’Herculanum, représente aussi la fin d’un souper domestique de deux personnes seulement, assises sur un même lit. La table est ronde ; il y a dessus trois vases & quelques fleurs, & le plancher en est tout couvert. Je crains que cette estampe ne soit l’unique parmi les richesses d’Herculanum, puisque les éditeurs ne nous en ont point annoncé d’autres pour les tomes suivans. S’il y en avoit par hasard, elles me fourniroient un supplément à cet article. (D. J.)

Lit nuptial, lectus genialis, (Antiq. rom.) Lit préparé par les mains de l’Hymen. C’étoit un lit qu’on dressoit exprès chez les Romains pour la nouvelle mariée, dans la salle située à l’entrée de la maison, & qui étoit décorée des images des ancêtres de l’époux. Le lit nuptial étoit toujours placé dans cette salle, parce que c’étoit le lieu où la nouvelle épouse devoit dans la suite se tenir ordinairement pour filer & faire des étoffes.

On avoit un grand respect pour ce lit ; on le gardoit toujours pendant la vie de la femme, pour laquelle il avoit été dressé ; & si le mari se remarioit, il devoit en faire tendre un autre. C’est pourquoi Cicéron traite en orateur, de crime atroce, l’action de la mere de Cluentius, qui devenue éperduement éprise de son gendre, l’épousa, & se fit tendre le même lit nuptial, qu’elle avoit dressé deux ans auparavant pour sa propre fille, & dont elle la chassa.

Properce appelle le lit de nôces, adversum lectum, parce qu’on le mettoit vis-à-vis de la porte. Il s’appelloit genialis, parce qu’on le consacroit au génie, le dieu de la nature, & celui-la même qui présidoit à la naissance des hommes. (D. J.)

Lits, (Chimie.) en parlant des minéraux & des fossiles, signifie certain strata ou certaines couches de matieres arrangées les unes sur les autres. Voyez Couche, Veine, Stratifier, Cément.

Lit, (Hydraul.) on dit un lit de pierre, de marne, de craie, de glaise. Ce terme exprime parfaitement leur situation horisontale, & leur peu d’épaisseur : on dit encore le lit d’une riviere, d’un canal, d’un reservoir, pour parler de son plafond. (K)

Lit de Marée, (Marine.) endroit de la mer où il y a un courant assez rapide.

Lit du vent, nom qu’on donne aux lignes ou directions par lesquelles le vent souffle.

Lit, en Architecture, se dit de la situation naturelle d’une pierre dans la carriere.

On appelle lit tendre, celui de dessus, & lit dur, celui de dessous.

Les lits de pierre sont appellés par Vitruve, cubicula.

Lit de voussoir & de claveau, c’en est le côté caché dans les joints.