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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/637

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Lorsque les armées du consul étoient composées de plus de quatre légions, on les logeoit également dans le même ordre, à côté les unes des autres, ensorte que le camp formoit alors un quarré long ; quand les deux armées des consuls se joignoient & ne composoient qu’un camp, il occupoit la place des deux quarrés, quelquefois voisins, quelquefois séparés, selon que le terrein le permettoit. Les tentes de l’armée furent faites de peaux de bêtes, jusqu’au tems de César.

Quand l’armée approchoit du camp qui lui étoit destiné d’avance, on marquoit premierement le lieu du logement du consul avec une banderole blanche, & on distinguoit son logement des autres par une banderole rouge ; ensuite avec une seconde banderole rouge différenciée, on marquoit les logemens des tribuns. On séparoit & on distinguoit le logement des troupes des légions par une troisieme banderole rouge, différente des deux autres : après cela on repartissoit la distribution générale du terrein, savoir tant pour la cavalerie, tant pour l’infanterie, ce qui se marquoit avec des banderoles d’autres couleurs ; enfin on subdivisoit cette distribution générale en distributions particulieres, pour les logemens de chacun, ce qui se traçoit uniformément & promptement avec le cordeau, parce qu’on ne changeoit jamais les mesures ni la forme du camp.

Les logemens de tout le monde se trouvant ainsi reglés, arrangés, disposés d’une maniere invariable ; à l’arrivée de l’armée, toutes les troupes qui la composoient reconnoissoient si bien la place de leurs domiciles, par les différentes banderoles & autres marques, que chacun se rendoit à son logement sans peine, sans confusion & sans erreur : ce seroit donc, ajoûte Polybe, être bien indifférent sur les choses les plus curieuses, que de ne vouloir pas se donner la peine d’apprendre une méthode si digne d’être connue. (D. J.)

Logement, (Art milit.) c’est dans l’attaque des places une espece de tranchée, ou plûtôt de retranchement que l’on fait à découvert dans un ouvrage dont on vient de chasser l’ennemi, afin de s’y maintenir dans ses attaques, & de se couvrir ou feu des ouvrages voisins qui le défendent.

Les logemens se font avec des gabions, des fascines, des sacs à terre, &c.

Le logement du chemin couvert est la tranchée ou le retranchement que l’on forme sur le haut du glacis après en avoir chassé l’ennemi. On y construit beaucoup de traverses tournantes pour se couvrir de l’enfilade. Voyez Traverses tournantes. Voyez aussi Attaque du chemin couvert.

On fait de pareils logemens dans la demi-lune & dans tous les différens ouvrages dont on a chassé l’ennemi. V. Pl. XVII. de Fortification, le logement du chemin couvert, celui de la demi-lune C du front de l’attaque, & des bastions A & B du même front.

Loger, (Art milit.) ancien terme qui, dans l’art militaire veut dire camper. M. de Turenne s’en sert souvent dans ses mémoires : ainsi loger une armée, c’est la faire camper, & la faire déloger, c’est la faire décamper. Voyez Camper.

LOGH, (Géog.) c’est ainsi que l’on appelle un lac en Ecosse, où il s’en trouve en assez grand nombre. Voici le nom des plus remarquables ; logh-Arkeg, logh-Assyn, logh-Dinart, logh-Kennerim, logh-Leffan, logh-Levin, logh-Logh, logh-Lomond, logh-Loyol, logh-Meaty, logh-Navern, logh-Ness, logh-Rennach, logh-Sinn, & logh-Tay. Quelques-uns de ces lacs sont des golphes que la mer a formés insensiblement. Les cartes françoises disent, le lac de Sinn, le lac de Tay, &c. mais les cartes étrangeres conservent les noms consacrés dans chaque pays, & cette méthode est préférable. (D. J.)

LOGIA, (Géog. anc.) riviere d’Hibernie, selon Ptolomée, liv. II. chap. ij. c’est-à-dire de l’Irlande ; Camden croit que c’est Logh-Foyle, espece de golphe dans la province d’Ulster, au comté de Londonderi, qui se décharge dans l’Océan chalcédonien. (D. J.)

LOGIQUE, s. f. (Philol.) la logique est l’art de penser juste, ou de faire un usage convenable de nos facultés rationnelles, en définissant, en divisant, & en raisonnant. Ce mot est dérivé de λογος, terme grec, qui rendu en latin est la même chose que sermo, & en françois que discours ; parce que la pensée n’est autre chose qu’une espece de discours intérieur & mental, dans lequel l’esprit converse avec lui-même.

La logique se nomme souvent dialectique, & quelquefois aussi l’art canonique, comme étant un canon ou une regle pour nous diriger dans nos raisonnemens.

Comme pour penser juste il est nécessaire de bien appercevoir, de bien juger, de bien discourir, & de lier méthodiquement ses idées ; il suit de-là que l’appréhension ou perception, le jugement, le discours & la méthode deviennent les quatre articles fondamentaux de cet art. C’est de nos réflexions sur ces quatre opérations de l’esprit que se forme la logique.

Le lord Bacon tire la division de la logique en quatre parties, des quatre fins qu’on s’y propose ; car un homme raisonne, ou pour trouver ce qu’il cherche, ou pour raisonner de ce qu’il a trouvé, ou pour retenir ce qu’il a jugé, ou pour enseigner aux autres ce qu’il a retenu : de-là naissent autant de branches de l’art de raisonner, savoir l’art de la recherche ou de l’invention, l’art de l’examen ou du jugement, l’art de retenir ou de la mémoire, l’art de l’élocution ou de s’énoncer.

Comme on a fait un grand abus de la logique, elle est tombée maintenant dans une espece de discrédit. Les écoles l’ont tant surchargée de termes & de phrases barbares, elles l’ont tellement noyée dans de seches & de vaines subtilités, qu’elle semble un art, qui a plûtôt pour but d’exercer l’esprit dans des querelles & des disputes, que de l’aider à penser juste. Il est vrai que dans son origine c’étoit plûtôt l’art de pointiller que celui de raisonner ; les Grecs parmi lesquels elle a commencé étant une nation qui se piquoit d’avoir le talent de parler dans le moment, & de savoir soutenir les deux faces d’un même sentiment ; de-là leurs dialecticiens, pour avoir toûjours des armes au besoin, inventerent je ne sais quel assemblage de mots & de termes, propres à la contention & à la dispute, plûtôt que des regles & des raisons qui pussent y être d’un usage réel.

La logique n’étoit alors qu’un art de mots, qui n’avoient souvent aucun sens, mais qui étoient merveilleusement propres à cacher l’ignorance, au-lieu de perfectionner le jugement, à se jouer de la raison plûtôt qu’à la fortifier, & à défigurer la vérité plûtôt qu’à l’éclaircir. On prétend que les fondemens en ont été jettés par Zénon d’Elée, qui fleurissoit vers l’an 400 avant Notre-Seigneur. Les Péripatéticiens & les Stoïciens avoient prodigieusement bâti sur ses fondemens, mais leur édifice énorme n’avoit que très-peu de solidité. Diogene Laerce donne dans la vie de Zénon un abrégé de la dialectique stoïcienne, où il y a bien des chimeres & des subtilités inutiles à la perfection du raisonnement. On sait ce que se proposoient les anciens Sophistes, c’étoit de ne jamais demeurer court, & de soutenir le pour & le contre avec une égale facilité sur toutes sortes de sujets. Ils trouverent donc dans la dialectique des ressources immenses pour ce beau talent,