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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/674

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Il ne fut permis qu’aux gentilshommes de porter saie sur soie.

On régla aussi la dorure que l’on pourroit mettre sur les harnois.

Il fut dit que les pages ne seroient habillés que de drap, avec une bande de broderie en soie ou velours.

Les bourgeoises ne devoient point prendre le titre de damoiselles, à moins que leurs maris ne fussent gentilshommes.

Enfin il fut défendu à tous artisans, & gens de pareil état ou au-dessous, de porter des habillemens de soie.

Il y eut des explications données sur plusieurs articles de cette déclaration, sur lesquels il y avoit des doutes.

L’article 145 de l’ordonnance d’Orléans, qui paroît être une suite des remontrances que les députés de la noblesse & du tiers-état avoient fait sur le luxe, défendit à tous les habitans des villes d’avoir des dorures sur du plomb, du fer, ou du bois, & de se servir des parfums des pays étrangers, à peine d’amende arbitraire, & de confiscation des marchandises.

Cette disposition qui étoit fort abrégée, fut étendue à tous les autres cas du luxe par des lettres patentes du 22 Avril 1561, qui reglent les habillemens selon les conditions.

Cette ordonnance n’ayant point eu d’exécution, fut renouvellée par une déclaration du 17 Janvier 1563, qui défendit encore de nouveaux abus qui s’étoient introduits, entre autres de porter des vertugadins de plus d’une aune & demie de tour.

Cependant par une autre déclaration de 1565, le roi permit aux dames d’en porter à leur commodité, mais avec modestie.

Ceux qui n’avoient pas la liberté de porter de l’or & de l’argent, s’en dédommageoient en portant des étoffes de soie figurée, qui coûtoient aussi cher que les étoffes mêlées d’or ou d’argent, de sorte qu’on fut obligé de défendre cette contravention.

Henri III. ordonna en 1576, que les lois somptuaires de ses prédécesseurs seroient exécutées : il en fit lui-même de nouvelles en 1577, & 1583.

Il y en eut de semblables sous Henri IV. en 1599, 1601 & 1606.

Louis XIII. en fit aussi plusieurs en 1613, 1633, 1634, 1636 & 1640.

Louis XIV. prit aussi grand soin de réformer le luxe des meubles, habits, & des équipages, comme il paroît par ses ordonnances, édits & déclarations de 1644, 1656, 1660, 1661, 1663, 1664, 1667, 1672, 1687, 1689, 1700, 1704.

La multiplicité de ces lois, fait voir combien ou a eu de peine à les faire observer.

Quant aux lois faites pour reprimer le luxe de la table, il y en eut chez les Lacédémoniens, & chez les Athéniens. Les premiers étoient obligés de manger ensemble tous les jours à frais communs ; les tables étoient pour quinze personnes ; les autres mangeoient aussi ensemble tour à tour dans le prytanée, mais aux dépens du public.

Chez les Romains, après la seconde guerre punique, les tables étant devenues trop nombreuses, le tribun Orchius régla que le nombre des conviés ne seroit pas de plus de neuf.

Quelque tems après le sénat défendit à tous magistrats & principaux citoyens de dépenser plus de 120 sols pour chaque repas qui se donneroient après les jeux mégalésiens, & d’y servir d’autre vin que celui du pays.

Le consul Fannius fit étendre cette loi à tous les festins, & la loi fut appellée de son nom Fannia. Il fut défendu de s’assembler plus de trois, outre les

personnes de la famille, les jours ordinaires, & plus de cinq les jours des nones ou des foires. La dépense fut fixée à cent sols par repas, les jours de jeux & fêtes publiques ; 30 sols, les jours des nones ou des foires, & 10 sols les autres jours. Il fut défendu de servir des volailles engraissées, parce que cette préparation coûtoit beaucoup.

La loi Didia, en renouvellant les défenses précédentes, ajoûta que non-seulement ceux qui inviteroient, mais encore ceux qui se trouveroient à un repas contraire aux lois, seroient punis comme prévaricateurs.

La dépense des repas fut encore réglée selon les jours & les occasions, par la loi Licinia. Mais comme elle permettoit de servir à discrétion tout ce que la terre produisoit, on inventa des ragoûts de légumes si délicats, que Cicéron dit les avoir préférés aux huitres & aux lamproies qu’il aimoit beaucoup.

La loi Cornelia renouvella toutes les précédentes, & régla le prix des vivres.

Jules César fit aussi une loi somptuaire ; mais tout ce que l’on en sait, est qu’il établit des gardes dans les marchés, pour enlever ce qui y étoit exposé en contravention, & des huissiers qui avoient ordre de saisir jusque sur les tables, ce qui étoit échappé à ces gardes.

Auguste mitigea les lois somptuaires, dans l’espérance qu’elles seroient mieux observées. Il permit de s’assembler jusqu’à douze ; d’employer aux repas des jours ordinaires 200 sols ; à ceux des calendes, ides, nones, & autres fêtes 300 ; & aux jours des noces & du lendemain, jusqu’à 1000 sesterces.

Tibere permit de dépenser depuis 300 sesterces jusqu’à 2000, selon les différentes solemnités.

Le luxe des tables augmenta encore sous Caligula, Claude & Néron. Les lois somptuaires étoient si mal observées que l’on cessa d’en faire.

En France, les capitulaires de la deuxieme race, & les ordonnances de S. Louis, défendent l’ébriété, ce qui concernoit plutôt l’intempérance que le luxe.

Philippe le Bel, par un édit de l’an 1294, défendit de donner dans un grand repas plus de deux mets & un potage au lard ; & dans un repas ordinaire, un mets & un entre-mets. Il permit les jours de jeûne seulement de servir deux potages aux harengs, & deux mets, ou un seul potage & trois mets. Il défendit de servir dans un plat plus d’une piece de viande, ou d’une seule sorte de poisson ; enfin il déclara que toute grosse viande seroit comptée pour un mets, & que le fromage ne passeroit pas pour un mets, s’il n’étoit en pâte ou cuit dans l’eau.

François I. fit un édit contre l’ivrognerie ; du reste il ne régla rien pour la table.

Mais par un édit du 20 Janvier 1563, Charles IX. mit un taux aux vivres, & régla les repas. Il porte qu’en quelques noces, festins ou tables particulieres que ce soit, il n’y aura que trois services ; sçavoir, les entrées, la viande ou le poisson, & le dessert ; qu’en toute sorte d’entrées, soit en potage, fricassée ou patisserie, il n’y aura au plus que six plats, & autant pour la viande ou le poisson, & dans chaque plat une seule sorte de viande ; que ces viandes ne seront point mises doubles, comme deux chapons, deux lapins, deux perdrix pour un plat ; que l’on pourra servir jusqu’à trois poulets ou pigeonneaux, les grives, becassines, & autres oiseaux semblables, jusqu’à quatre, & les alouettes & autres especes semblables, jusqu’à une douzaine ; qu’au dessert, soit fruits, patisserie, fromage ou autre chose, il ne pourra non plus être servi que six plats, le tout sous peine de 200 livres d’amende pour la premiere fois, & 400 livres pour la seconde.

Il ordonne que ceux qui se trouveront à un festin où l’on contreviendra à cette loi, le dénonceront dans