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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/756

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bande de linge bien imbibée de blanc d’œuf, saupoudrée de chaux, humectée de nouveau avec le blanc d’œuf, & chargée d’une nouvelle couche de chaux pétrie prestement avec le doigt, & étendue sur ce linge des deux côtés ; cette bande de linge ainsi préparée, dis-je, appliquée sur le champ & bien tendue sur les corps même les plus polis, comme le verre, y adhere fortement, s’y durcit bientôt, & forme un corps solide & presque continu avec celui auquel on l’applique. Ces qualités la rendent très-propre à affermir & retenir dans une situation constante les divers vaisseaux adaptés ensemble dans les appareils ordinaires de distillation, où l’on veut fermer les jointures le plus exactement qu’il est possible : c’est pour cela qu’après avoir bouché exactement le vuide de ces jointures avec du lut gras, on applique ensuite avec beaucoup d’avantage une bande de linge chargée de lut de blanc d’œuf, sur les deux vaisseaux à réunir, de maniere que chacun des bords de la bande porte immédiatement sur le corps de l’un & l’autre vaisseau, & que la couche de lut soit embrassée & dépassée des deux côtés. Si on ne faisoit que recouvrir le lut, comme le prescrit M. Baron dans la note déjà citée, on ne rempliroit pas le véritable objet de l’emploi de ce second lut ; car ce qui rend le premier insuffisant, c’est qu’étant naturellement mou, & pouvant se ramollir davantage par la chaleur, il peut bien réunir très-exactement des vaisseaux immobiles, mais non pas les fixer, empêcher qu’au plus léger mouvement ils ne changent de situation, & ne dérangent par-là la position du lut, qui deviendra alors inutile.

Les jointures des vaisseaux dans lesquels on distille ou on digere à une chaleur légere des matieres qui ne jettent que des vapeurs aqueuses & spiritueuses, peu dilatées, faisant peu d’effort contre ces jointures, on se contente de les fermer avec des bandelettes de vessie de cochon mouillées, ou de papier chargées de colle ordinaire de farine.

Enfin les vaisseaux félés ou cassés se recollent ou se rapiécent avec les bandes de linge chargées de lut de chaux & de blanc d’œuf ; sur quoi il faut observer, 1°. que des vaisseaux ainsi rajustés ne sauroient aller au feu ni à l’eau, & qu’ainsi ce radoub se borne aux chapiteaux, aux récipiens, aux poudriers, & aux bouteilles, qu’encore il ne faut point rincer en dehors ; 2°. que lorsque ces vaisseaux à recoller sont destinés à contenir des liqueurs, il est bon d’étendre d’abord le long de la fente une couche mince & étroite, un filet de lut gras, & d’appliquer par-dessus une large bande de linge, &c. (G)

LUTH, s. m. (Luth.) instrument de musique à cordes ; comme il differe peu du théorbe, qui n’est à proprement parler qu’un luth à deux manches, nous renvoyons ce que nous avons à dire du luth à l’article Théorbe.

LUTHÉRANISME, (Théol.) sentimens du docteur Luther & de ses sectateurs sur la Religion.

Le luthéranisme eut pour auteur, dans le xvj. siecle, Martin Luther, dont il a pris son nom. Cet hérésiarque naquit à Eisleben, ville du comté de Mansfeld en Thuringe, l’an 1483. Après ses études il entra dans l’ordre des Augustins en 1508 : il vint à Vittemberg & y enseigna la Philosophie dans l’université qui y avoit été établie quelques années auparavant. En 1512 il prit le bonnet de docteur en théologie : il commença en 1516 à s’élever contre la théologie scholastique, qu’il combattit cette année là dans des theses. En 1517 Léon X. ayant fait prêcher des indulgences pour ceux qui contribueroient aux dépenses de l’édifice de S. Pierre de Rome, il en donna la commission aux Dominicains : les Augustins prétendirent qu’elle leur appartenoit préférablement à eux ; & Jean Staupitz, leur commissaire général en Alle-

magne, donna ordre à Luther de prêcher contre ces

quêteurs. Voyez Indulgence.

Luther, homme violent & emporté, & d’ailleurs fort vain & fort plein de lui-même, s’acquitta de cette commission d’une autre maniere que son supérieur apparemment n’avoit voulu. Des prédicateurs des indulgences, il passa aux indulgences même, & déclama également contre les uns & contre les autres. Il avança d’abord des propositions ambiguës ; engagé ensuite par la dispute, il les soutint dans un mauvais sens, & il en dit tant, qu’il fut excommunié par le pape l’an 1520. Il goûta si bien le plaisir flatteur de se voir chef de parti, que ni l’excommunication de Rome, ni la condamnation de plusieurs universités célebres, ne firent point d’impression sur lui. Ainsi il fit une secte que l’on a nommé luthéranisme, & dont les sectateurs sont appellés luthériens, du nom de Luther, qui approche du grec, & qu’il prit au lieu de celui de sa famille, qui étoit Loser ou Lauther. C’étoit la coutume des gens de lettres dans ce siecle de se donner des noms grecs, témoins Capnion, Erasme, Melanchton, Bucer, &c. Voyez Noms.

En 1523 Luther quitta tout-à-fait l’habit religieux, & en 1525 il séduisit une religieuse nommé Catherine de Bere, la débaucha & l’épousa ensuite publiquement. Après avoir attiré l’Allemagne à ses sentimens, sous la protection du duc Saxe Georges, il mourut à Eislebe, sa patrie, l’an 1546. Voyez Réforme.

Les premiers qui reçurent le luthéranisme furent ceux de Mansfeld & ceux de Saxe : il fut prêché à Kreichsaw en 1621 : il fut reçu à Groslar, à Rostoch, à Riga en Livonie, à Reutlinge & à Hall en Souabe, à Ausgbourg, à Hambourg, à Trept en Poméranie en 1522, en Prusse en 1523 ; à Einbech, dans le duché de Lunebourg, à Nuremberg & à Breslaw en 1525 ; dans la Hesse en 1526. A Aldenbourg, à Strasbourg & a Brunswich en 1528 ; à Gottingen, à Lemgou, à Lunebourg en 1530 ; à Munster & à Paderborn en Westphalie, en 1532 ; à Etlingen & à Ulm en 1533 ; dans le duché de Crubenhagen, à Hanovre & en Poméranie en 1534 ; dans le duché de Wirtemberg en 1535 ; à Cothus dans la basse Lusace, en 1537 ; dans le comté de Lipe en 1538 ; dans l’électorat de Brandebourg, à Brême, à Hall en Saxe, à Léipsic en Misnie, & à Quetlenbourg en 1539 ; à Embden dans la Frise orientale, à Hailbron, à Halberstad, à Magdebourg en 1540 ; au Palatinat dans les duchés de Neubourg, à Ragensbourg & à Wismar en 1540 ; à Buxtende, à Hildesheim & à Osnabruck en 1543 ; dans le bas Palatinat en 1546, dans le Meklembourg en 1552 ; dans le marquisat de Dourlach & de Hochberg en 1556 ; dans le comté de Bentheim en 1564 ; à Haguenau & au bas marquisat de Bade en 1568, & en 1570 dans le duché de Magdebourg. Jovet, tom. I. p. 460. 461.

Le luthéranisme a souffert plusieurs variations. soit pendant la vie, soit depuis la mort de son auteur. Luther rejettoit l’épître de S. Jacques, comme contraire à la doctrine de S. Paul touchant la justification, & l’apocalypse ; mais ces deux livres sont aujourd’hui reçus par les Luthériens. Il n’admettoit de sacremens que le Baptême & l’Eucharistie ; il croyoit l’impanation, c’est-à-dire que la matiere du pain & du vin reste avec le corps de Jesus-Christ, & c’est en quoi les Luthériens different des Calvinistes. Voyez Consubstantiation.

Luther prétendoit que la messe n’est point un sacrifice ; il rejettoit l’adoration de l’hostie, la confession auriculaire, toutes les œuvres satisfactoires, les indulgences, le purgatoire, le culte & l’usage des images. Luther combattoit la liberté, & soutenoit que nous sommes nécessités en toutes nos œuvres, & que toutes les actions faites en péché mortel, &