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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/806

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deux faces du mur de carreaux de pierre ou de briques en liaison ; le milieu, de ciment ou de cailloux de riviere paitris avec du mortier ; & de placer de trois piés en trois piés de hauteur, trois rangs de brique en liaison ; c’est-à-dire le premier rang vû sur le petit côté, le second vû sur le grand côté, & le troisieme vû aussi sur le petit côté. Les murailles de la ville de Turin sont bâties de cette maniere ; mais les garnis sont faits de gros cailloux de riviere cassés par le milieu, mêlés de mortier, dont la face unie est placée du côté du mur de face. Les murs des arenes à Vérone sont aussi construits de cette maniere avec un garni de ciment, ainsi que ceux de plusieurs autres bâtimens antiques.

La quatrieme maniere étoit celle appellée incertaine ou rustique (fig. 11.). Les angles de ces murailles étoient faits de carreaux de pierre de taille en liaison ; le milieu de pierres de toutes sortes de forme, ajustées chacune dans leur place. Aussi se falloit-il servir pour cet effet d’un instrument (fig. 70.) appellé sauterelle ; ce qui donnoit beaucoup de sujétion, sans procurer pour cela plus d’avantage. Il y a à Preneste des murailles, ainsi que les pavés des grands chemins faits de cette maniere.

La cinquieme maniere (fig. 12.), étoit en pierres de taille ; & c’est ce que Vitruve appelle la structure des Grecs. Voyez la fig. 3. Le temple d’Auguste a été bâti ainsi ; on le voit encore par ce qui en reste.

La sixieme maniere étoit les murs de remplage (fig. 13.) ; on construisoit pour cet effet des especes de caisses de la hauteur qu’on vouloit les lits, avec des madriers retenus par des arcs-boutans, qu’on remplissoit de mortier, de ciment, & de toutes sortes de pierres de différentes formes & grandeurs. On bâtissoit ainsi de lit en lit : il y a encore à Sirmion, sur le lac de Garda, des murs bâtis de cette maniere.

Il y avoit encore une autre maniere ancienne de faire les murailles (fig. 14.), qui étoit de faire deux murs de quatre piés d’épaisseur, de six piés distans l’un de l’autre, liés ensemble par des murs distans aussi de six piés, qui les traversoient, pour former des especes de coffres de six piés en quarré, que l’on remplissoit ensuite de terre & de pierre.

Les anciens pavoient les grands chemins en pierre de taille, ou en ciment mêlé de sable & de terre glaise.

Le milieu des rues des anciennes villes se pavoit en grais, & les côtés avec une pierre plus épaisse & moins large que les carreaux. Cette maniere de paver leur paroissoit plus commode pour marcher.

La derniere maniere de bâtir, & celle dont on bâtit de nos jours, se divise en cinq especes.

La premiere (fig. 15.) se construit de carreaux[1] & boutisse[2] de pierres dures ou tendres bien posées en recouvrement les unes sur les autres. Cette maniere est appellée communément maçonnerie en liaison, où la différente épaisseur des murs détermine les différentes liaisons à raison de la grandeur des pierres que l’on veut employer : la fig. 2 est de cette espece.

Il faut observer, pour que cette construction soit bonne, d’éviter toute espece de garni & remplissage, & pour faire une meilleure liaison, de piquer les paremens intérieurs au marteau, afin que par ce moyen les agens que l’on met entre deux pierres puissent les consolider. Il faut aussi bien équarrir les pierres, & n’y souffrir aucun tendre ni bouzin[3],

parce que l’un & l’autre émousseroit les parties de la chaux & du mortier.

La seconde est celle de brique, appellée en latin lateritium, espece de pierre rougeâtre faite de terre grasse, qui après avoir été moulée d’environ huit pouces de longueur sur quatre de largeur & deux d’épaisseur, est mise à sécher pendant quelque tems au soleil & ensuite cuite au four. Cette construction se fait en liaison, comme la précédente. Il se trouve à Athènes un mur qui regarde le mont Hymette, les murailles du temple de Jupiter, & les chapelles du temple d’Hercule faites de brique, quoique les architraves & les colonnes soient de pierre. Dans la ville d’Arezzo en Italie, on voit un ancien mur aussi en brique très-bien bâti, ainsi que la maison des rois attaliques à Sparte ; on a levé de dessus un mur de brique anciennement bâti, des peintures pour les encadrer. On voit encore la maison de Crésus aussi bâtie en brique, ainsi que le palais du roi Mausole en la ville d’Halycarnasse, dont les murailles de brique sont encore toutes entieres.

On peut remarquer ici que ce ne fut pas par économie que ce roi & d’autres après lui, presque aussi riches, ont préféré la brique, puisque la pierre & le marbre étoient chez eux très-communs.

Si l’on défendit autrefois à Rome de faire des murs en brique, ce ne fut que lorsque les habitans se trouvant en grand nombre, on eut besoin de ménager le terrein & de multiplier les surfaces ; ce qu’on ne pouvoit faire avec des murs de brique, qui avoient besoin d’une grande épaisseur pour être solides : c’est pourquoi on substitua à la brique la pierre & le marbre ; & par-là on put non-seulement diminuer l’épaisseur des murs & procurer plus de surface, mais encore élever plusieurs étages les uns sur les autres ; ce qui fit alors que l’on fixa l’épaisseur des murs à dix-huit pouces.

Les tuiles qui ont été long-tems sur les toîts, & qui y ont éprouvé toute la rigueur des saisons, sont, dit Vitruve, très-propres à la maçonnerie.

La troisieme est de moilon, en latin cæmentitium ; ce n’est autre chose que des éclats de la pierre, dont il faut retrancher le bouzin & toutes les inégalités, qu’on réduit à une même hauteur, bien équarris, & posés exactement de niveau en liaison, comme ci-dessus. Le parement extérieur de ces moilons peut être piqué[4] ou rustiqué[5], lorsqu’ils sont apparens & destinés à la construction des soûterreins, des murs de cloture, de caves, mitoyens, &c.

La quatrieme est celle de limousinage, que Vitruve appelle amplecton (fig. 6.) ; elle se fait aussi de moilons posés sur leurs lits & en liaison, mais sans être dressés ni équarris, étant destinés pour les murs que l’on enduit de mortier ou de plâtre.

Il est cependant beaucoup mieux de dégrossir ces moilons pour les rendre plus gissans & en ôter toute espece de tendre, qui, comme nous l’avons dit précédemment, absorberoit ou amortiroit la qualité de la chaux qui compose le mortier. D’ailleurs si on ne les équarrissoit pas au-moins avec la hachette (fig. 106), les interstices de différentes grandeurs produiroient une inégalité dans l’emploi du mortier, & un tassement inégal dans la construction du mur.

La cinquieme se fait de blocage, en latin structura ruderaria, c’est-à-dire de menues pierres qui s’emploient avec du mortier dans les fondations, & avec

  1. Carreau, pierre qui ne traverse point l’épaisseur du mur, & qui n’a qu’un ou deux paremens au plus.
  2. Boutisse, pierre qui traverse l’épaisseur du mur, & qui fait parement des deux côtés. On l’appelle encore pamieresse, pierre parpeigne, de parpein, ou faisant parpein.
  3. Bouzin, est la partie extérieure de la pierre abreuvée de l’humidité de la carriere, & qui n’a pas eu le tems de sécher, après en être sortie.
  4. Piqué, c’est-à-dire dont les paremens sont piqués avec la pointe du marteau.
  5. Rustiqué, c’est-à-dire dont les paremens, après avoir été équarris & hachés, sont grossierement piqués avec la pointe du marteau.