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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/829

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pieces de bois bien équarries, que l’on enfonce assez avant dans la terre, & qui servent à recevoir des cordeaux bien tendus, pour marquer l’épaisseur des murs, & la hauteur des assises. On aura soin de les entretenir par des especes d’entretoises, non-seulement pour les rendre plus fermes, mais afin qu’ils puissent aussi entretenir les cordeaux à demeure tels qu’on les a placés, selon les cotes du plan.

Il ne sera pas inutile encore, lorsque les fondations seront hors de terre, de recommencer les opérations d’alignement, afin que les dernieres puissent servir de preuves aux premieres, & par-là s’assurer de ne s’être pas trompé.

Des fondemens en général. Les fondemens exigent beaucoup d’attention pour parvenir à leur donner une solidité convenable. C’est ordinairement de-là que dépend tout le succès de la construction : car, dit Palladio, les fondemens étant la base & le pié du bâtiment, ils sont difficiles à réparer ; & lorsqu’ils se détruisent, le reste du mur ne peut plus subsister. Avant que de fonder, il faut considérer si le terrein est solide : s’il ne l’est pas, il faudra peut-être fouiller un peu dans le sable ou dans la glaise, & suppléer ensuite au défaut de la nature par le secours de l’art. Mais, dit Vitruve, il faut fouiller autant qu’il est nécessaire jusqu’au bon terrein, afin de soutenir la pesanteur des murs, bâtir ensuite le plus solidement qu’il sera possible, & avec la pierre la plus dure ; mais avec plus de largeur qu’au rez-de chaussée. Si ces murs ont des voutes sous terre, il leur faudra donner encore plus d’épaisseur.

Il faut avoir soin, dit encore Palladio, que le plan de la tranchée soit de niveau, que le milieu du mur soit au milieu de la fondation, & bien perpendiculaire ; & observer cette méthode jusqu’au faîte du bâtiment ; lorsqu’il y a des caves ou souterreins, qu’il n’y ait aucune partie de mur ou colonne qui porte à faux ; que le plein porte toûjours sur le plein, & jamais sur le vuide ; & cela afin que le bâtiment puisse tasser bien également. Cependant, dit-il, si on vouloit les faire à plomb, ce ne pourroit être que d’un côté, & dans l’intérieur du bâtiment, étant entretenues par les murs de refend & par les planchers.

L’empattement d’un mur que Vitruve appelle steréobatte, doit, selon lui, avoir la moitié de son épaisseur. Palladio donne aux murs de fondation le double de leur épaisseur supérieure ; & lorsqu’il n’y a point de cave, la sixieme partie de leur hauteur : Scamozzi leur donne le quart au plus, & le sixieme au moins ; quoiqu’aux fondations des tours, il leur ait donné trois fois l’épaisseur des murs supérieurs. Philibert de Lorme, qui semble être fondé sur le sentiment de Vitruve, leur donne aussi la moitié ; les Mansards aux Invalides & à Maisons, leur ont donné la moitié ; Bruaut à l’hôtel de Belle-Isle, leur a donné les deux tiers. En général, l’épaisseur des fondemens doit se regler, comme dit Palladio, sur leur profondeur, la hauteur des murs, la qualité du terrein, & celle des matériaux que l’on y employe ; c’est pourquoi n’étant pas possible d’en regler au juste l’épaisseur, c’est, ajoute cet auteur, à un habile architecte qu’il convient d’en juger.

Lorsque l’on veut, dit-il ailleurs, ménager la dépense des excavations & des fondemens, on pratique des piles A, fig. 32. & 33. que l’on pose sur le bon fond B, & sur lesquelles on bande des arcs C ; il faut faire attention alors de faire celles des extrémités plus fortes que celles du milieu, parce que tous ces arcs C, appuyés les uns contre les autres, tendent à pousser les plus éloignés ; & c’est ce que Philibert de Lorme a pratiqué au château de Saint-Maur, lorsqu’en fouillant pour poser les fondations de ce château, il trouva des terres rapportées de

plus de quarante piés de profondeur. Il se contenta alors de faire des fouilles d’un diametre convenable à l’épaisseur des murs, & fit élever sur le bon terrein des piles éloignées les unes des autres d’environ douze piés, sur lesquelles il fit bander des arcs en plein ceintre, & ensuite bâtir dessus comme à l’ordinaire.

Léon Baptiste Alberti, Scamozzi, & plusieurs autres, proposent de fonder de cette maniere dans les édifices où il y a beaucoup de colonnes, afin d’éviter la dépense des fondemens & des fouilles au-dessous des entrecolonnemens ; mais ils conseillent en même tems de renverser les arcs C, fig. 33. de maniere que leurs extrados soient posées sur le terrein, ou sur d’autres arcs bandés en sens contraire, parce que, disent-ils, le terrein où l’on fonde pouvant se trouver d’inégale consistence, il est à craindre que dans la suite quelque pile venant à s’affaisser, ne causât une rupture considérable aux arcades, & par conséquent aux murs élevés dessus. Ainsi par ce moyen, si une des piles devient moins assurée que les autres, elle se trouve alors arcboutée par des arcades voisines, qui ne peuvent céder étant appuyées sur les terres qui sont dessous.

Il faut encore observer, dit Palladio, de donner de l’air aux fondations des bâtimens par des ouvertures qui se communiquent, d’en fortifier tous les angles, d’éviter de placer trop près d’eux des portes & des croisées, étant autant de vuides qui en diminuent la solidité.

Il arrive souvent, dit M. Belidor, que lorsque l’on vient à fonder, on rencontre des sources qui nuisent souvent beaucoup aux travaux. Quelques-uns prétendent les éteindre en jettant dessus de la chaux vive mélée de cendre ; d’autres remplissent, disent-ils, de vif-argent les trous par où elles sortent ; afin que son poids les oblige à prendre un autre cours. Ces expédiens étant fort douteux, il vaut beaucoup mieux prendre le parti de faire un puits au-delà de la tranchée, & d’y conduire les eaux par des rigolles de bois ou de brique couvertes de pierres plates, & les élever ensuite avec des machines : par ce moyen on pourra travailler à sec. Néanmoins pour empêcher que les sources ne nuisent dans la faite aux fondemens, il est bon de pratiquer dans la maçonnerie des especes de petits aqueducs, qui leur donnent un libre cours.

Des fondemens sur un bon terrein. Lorsque l’on veut fonder sur un terrein solide, il ne se trouve pas alors beaucoup de difficultés à surmonter ; on commence d’abord par préparer le terrein, comme nous l’avons vû précédemment, en faisant des tranchées de la profondeur & de la largeur que l’on veut faire les fondations. On passe ensuite dessus une assise de gros libages, ou quartier de pierres plates à bain de mortier ; quoique beaucoup de gens les posent à sec, ne garnissant de mortier que leurs joints. Sur cette premiere assise, on en éleve d’autres en liaison à carreau & boutisse alternativement. Le milieu du mur se remplit de moilon mélé de mortier : lorsque ce moilon est brut, on en garnit les interstices avec d’autres plus petits que l’on enfonce bien avant dans les joints, & avec lesquels on arrase les lits. On continue de même pour les autres assises, observant de conduire l’ouvrage toûjours de niveau dans toute sa longueur ; & des retraites, on talude en diminuant jusqu’à l’épaisseur du mur au rez-de-chaussée.

Quoique le bon terrein se trouve le plus souvent dans les lieux élevés, il arrive cependant qu’il s’en trouve d’excellens dans les lieux aquatiques & profonds, & sur lesquels on peut fonder solidement, & avec confiance ; tel que ceux de gravier, de marne, de glaise, & quelquefois même sur le sable