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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/890

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bâtit sur le mont-Palatin. Si ce qu’Auguste dit est vrai, qu’il avoit trouvé Rome bâtie de briques, & qu’il la laissoit revétue de marbre, on pourroit juger par ce propos de la magnificence des maisons & des édifices qu’on éleva sous son regne.

Il est du moins certain que sous les premiers empereurs, les marbres furent employés aux maisons plus communément qu’on n’avoit encore employé les pierres ; & qu’on se servit pour les orner, de tout ce qu’il y avoit de plus rare & de plus précieux ; les dorures, les peintures, les sculptures, l’ivoire, les bois de cédre, les pierres précieuses, rien de toutes ces magnificences ne fut épargné. Le pavé des appartemens bas n’étoit que des mosaïques, ou des morceaux de marbre rapportés avec symmétrie ; cependant cette ville ne fut jamais plus magnifique, qu’après que Néron y eut fait mettre le feu, qui en consuma les deux tiers. On prétend, que lorsqu’elle fut rebâtie, on y comptoit quarante-huit mille maisons isolées, & dont l’élévation avoit été fixée par l’empereur ; c’est Tacite qui nous apprend cette particularité. Nous savons aussi par Strabon, qu’il y avoit déja eu une ordonnance d’Auguste, qui défendoit de donner aux édifices plus de soixante dix piés de hauteur ; il voulut par cette loi remédier aux accidens fréquens qui arrivoient par la trop grande élévation des maisons, lesquelles succombant sous la charge, tomboient en ruine au moment qu’on s’y attendoit le moins. Ce vice de construction s’étoit introduit à Rome à la fin de la derniere guerre punique ; cette ville étant alors devenue extrèmement peuplée par l’affluence des étrangers qui s’y rendoient de toutes parts, on éleva extraordinairement les maisons pour avoir plus de logement. Enfin, Trajan fixa cette hauteur à soixante piés.

Dans la splendeur de la république, les maisons ou hôtels des personnes distinguées, étoient construites avec autant de magnificence que d’étendue. Elles contenoient plusieurs cours, avant-cours, appartemens d’hiver & d’été, corps-de-logis, cabinets, bains, étuves & salles, soit pour manger, soit pour y conférer des matieres d’état.

La porte formoit en-dehors une espece de portique, soutenue par des colonnes, & destinée à mettre à l’abri des injures du tems, les cliens qui venoient dès le matin faire leur cour à leur patron. La cour étoit ordinairement entourée de plusieurs corps-de-logis, avec des portiques au rez-de-chaussée. On appelloit cette seconde partie de la maison cavum ædium ou cavedium. Ensuite on trouvoit une grande salle nommée atrium interius, & le portier de cet atrium s’appelloit servus atriensis. Cette galerie étoit ornée de tableaux, de statues & de trophées de la famille ; on y voyoit des batailles, peintes ou gravées, des haches, des faisceaux & autres marques de magistrature, que le maître de la maison ou ses ancêtres avoient exercée. On y voyoit les statues de la famille en bas relief, de cire, d’argent, de bronze, ou de marbre, mises dans des niches d’un bois précieux ; c’est dans cet endroit que les gens d’un certain ordre s’assembloient, en attendant que le maître du logis fût visible, ou de retour.

Polybe rapporte que c’étoit au haut de la maison qu’étoient placées les statues de la famille, qu’on découvroit, & qu’on paroit de festons & de guirlandes, dans certains jours de fêtes & de solemnités publiques. Lorsque quelque homme de considération de la famille venoit à mourir, on faisoit porter les mêmes figures à ses funérailles, & on y ajoutoit le reste du corps, afin de leur donner plus de ressemblance ; on les habilloit selon les dignités qu’avoient possédés ceux qu’elles représentoient ; de la robe consulaire, s’ils avoient été consuls ; de la robe triom-

phale, s’ils avoient eu les honneurs du triomphe, &

ainsi du reste. Voilà, dit Pline, comment il arrivoit que tous les morts d’une famille illustre assistoient aux funérailles, depuis le premier jusqu’au dernier.

On peut aisément concilier la différence des récits qu’on trouve dans les autres auteurs, avec ce passage de Polybe, en faisant attention que ces autres auteurs lui sont postérieurs ; que de son tems le faste & le luxe n’avoient pas fait autant de progrès que sous les empereurs ; qu’alors les Romains ne mettant plus de bornes à leur magnificence, eurent des salles basses ou des vestibules dans leur maison, pour placer de grandes statues de marbre, ou de quelqu’autre matiere précieuse, & que cela n’empêchoit pas qu’ils ne conservassent dans un appartement du haut les bustes de ces mêmes ancêtres, pour s’en servir dans les cérémonies funébres, comme étant plus commodes à transporter que des statues de marbre.

On voyoit dans ces maisons, diverses galeries soutenues par des colonnes, de grandes salles, des cabinets de conversation, des cabinets de peinture, & des basiliques. Les salles étoient ou corinthiennes ou égyptiennes, les premieres n’avoient qu’un rang de colonnes posées sur un pié-destal, ou même en bas sur le pavé, & ne soutenoient que leur architrave & leurs corniches de menuiserie ou de stuc, sur quoi étoit le plancher en voûte surbaissée : mais les dernieres avoient des architraves sur des colonnes, & sur les architraves des planchers d’assemblage, qui faisoient une terrasse découverte tournant tout au tour.

Ces hôtels, principalement depuis les réglemens qui en fixoient la hauteur, n’avoient ordinairement que deux étages au-dessus de l’entre sol. Au premier étoient les chambres à coucher, qu’on appelloit dormitoria ; au second étoient les appartemens des femmes, & les salles à manger qu’on nommoit triclinia.

Les Romains n’avoient point de cheminées faites comme les nôtres dans leurs appartemens, parce qu’ils n’imaginerent pas de tuyaux pour laisser passer la fumée. On faisoit le feu au milieu d’une salle basse, sur laquelle il y avoit une ouverture pratiquée au milieu du toît, par où sortoit la fumée ; cette sorte de salle servoit dans les commencemens de la république à faire la cuisine, c’étoit encore le lieu où l’on mangeoit ; mais dès que le luxe se fut glissé dans Rome, les salles basses furent seulement destinées pour les cuisines.

On mettoit dans les appartemens des fourneaux portatifs ou des brasiers, dans lesquels on brûloit un certain bois, qui étant frotté avec du marc d’huile, ne fumoit point. Séneque dit, que de son tems, on inventa des tuyaux, qui passant dans les murailles, échauffoient également toutes les chambres, jusqu’au haut de la maison, par le moyen du feu qu’on faisoit dans les fourneaux placés le long du bas des murs. On rendoit aussi les appartemens d’été plus frais, en se servant pareillement de tuyaux qui s’élevoient des caves, d’où ils tiroient la fraicheur qu’ils répandoient en passant dans les appartemens.

On ignore ce qui servoit à leurs fenêtres pour laisser entrer le jour dans leurs appartemens, & pour se garantir des injures de l’air. C’étoit peut-être de la toile, de la gaze, de la mousseline ; car on est bien assuré, que quoique le verre ne leur fût pas inconnu, puisqu’ils en faisoient des vases à boire, ils ne l’employoient point comme nous à des vîtres. Néron se servit d’une certaine pierre transparente comme l’albâtre, coupée par tables, au travers de laquelle le jour paroissoit.

L’historien Josephe nous parle encore d’une autre matiere qu’on employoit pour cet usage, mais