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Page:Dorion - Vengeance fatale, 1893.djvu/17

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VENGEANCE FATALE

rait tout de même, puis il essaya de l’entraîner avec lui. Celle-ci voulut fuir, mais la ténacité de son fâcheux compagnon triompha facilement de la volonté de la jeune fille.

— Ne craignez donc rien, lui dit-il, venez souper avec moi et nous aurons beaucoup de plaisir ensemble.

— Au secours, cria Mathilde de toutes ses forces.

Soudain, comme s’il n’eût attendu que cet appel, un homme qui avait pu, sans être remarqué, saisir une partie de la conversation entre la jeune fille et son agresseur, s’élança sur ce dernier et, après une lutte d’un instant à peine, le repoussa assez violemment pour que l’intrus se tînt pour battu et abandonnât la partie au nouvel arrivant.

Mathilde allait remercier celui qui était si vaillamment accouru à sa défense, quand elle reconnut en lui le jeune homme qui avait proféré l’insolente remarque qui avait tant déplu à madame Gagnon, et elle ne se crut pas en plus grande sûreté. Elle balbutia quelques mots de reconnaissance et reprit vivement sa marche, si inopinément interrompue par l’incartade du militaire.

Nous ne doutons pas que son courageux défenseur eût désiré faire plus ample connaissance avec elle, mais craignant de la blesser en usant des mêmes procédés que son antagoniste, il la laissa retourner seule, et se contenta de la suivre de loin.

Mais grande fut sa surprise lorsqu’il la vit entrer chez le vieux marin. « Où diable, se demandait-il, le père Pouliotte a-t-il pêché cette jolie fille ? » Puis après un moment de silence : « J’irai chez lui ce soir, et je ferai connaissance avec la jeune fille, pourvu que la vieille qui l’accompagnait cette après-midi n’y soit pas, ou qu’au moins elle ait oublié ma figure. »