Page:Dostoïevski - Inédits.djvu/252

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Cependant vous remarquez que l’homme vous loue d’une façon intelligente, parce qu’il indique précisément ce que vous aimez dans votre personne.

Alors il a de l’esprit, du tact. Il connaît même votre cœur. Car il reconnaît en vous ce que le monde peut-être vous refuse, bien entendu injustement et par envie. Comment savoir ? dites-vous enfin. Peut-être n’est-ce point un flagorneur, mais simplement un homme trop naïf et sincère. Enfin, pourquoi rejeter l’homme du premier coup ? Et un homme pareil reçoit tout ce qu’il voulait recevoir, comme le juif qui supplie le maître de ne pas acheter sa marchandise. « Pourquoi acheter ? que monsieur regarde seulement dans la besace, ne serait-ce que pour cracher sur la marchandise du juif et s’en aller. » Le juif déroule sa marchandise et le monsieur achète tout ce que le juif désire lui vendre. Non, l’homme n’agit pas du tout par lâcheté. Pourquoi de grands mots ? Il n’a pas du tout l’âme basse. Il a une âme intelligente, charmante ; l’âme de la société ; l’âme qui désire recevoir, l’âme mondaine, qui, il est vrai, prend les devants, mais tout de même une âme. Je ne dis pas chez tous, mais chez beaucoup. C’est pourquoi tout cela est encore bien, parce que sans une âme pareille tous seraient morts d’ennui ou se mangeraient entre eux. La double face, l’hypocrisie, le masque, c’est vilain, d’accord. Mais si, en ce moment, tous se montraient tels qu’ils sont, je jure que ce serait pire.

Toutes ces réflexions me venaient à l’esprit alors que Pétersbourg allait se promener au Jardin d’été et sur la perspective Nevski, pour montrer ses costumes neufs de printemps.

Mon Dieu, rien que sur les rencontres de la perspective Nevski