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Page:Dostoïevski - Le Double, 1919.djvu/15

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men, complètement, bon visage s’éclaira d’un sourire contenté. Alors M. Goliadkine jeta un coup d’œil dans la chambrette de son valet de chambre, Pétrouchka. Pétrouchka n’y était pas… Il retourna à sa table sur la pointe des pieds, ouvrit un tiroir, en fouilla le coin le plus éloigné, sous de vieux papiers jaunis et salis, tira un portefeuille vert, déjà usé, et l’ouvrit avec précaution. Entre-bâillant la poche la plus secrète, il regarda à l’intérieur et parut très heureux. Sans doute, le paquet des billets verts, gris, bleus, rouges et d’autres couleurs encore, avait-il lui aussi, pour M. Goliadkine, des yeux d’amabilité et d’approbation. Le visage rayonnant, il plaça devant lui, sur la table, le portefeuille ouvert, et se frotta joyeusement les mains. Il en tira la liasse consolatrice des billets de banque, et — sans doute pour la centième fois depuis la veille — il se mit à les compter, frottant soigneusement chaque billet entre le pouce et l’index.

— Sept cent cinquante roubles en billets de banque…

« Sept cent cinquante roubles ! Une belle somme… Une somme agréable », continua-t-il d’une voix tremblante, un peu amollie par le plaisir… Il secouait le paquet dans ses mains et souriait gaiement :

« C’est une somme très agréable… c’est une somme agréable pour tout le monde… Je voudrais bien voir l’homme pour qui cette somme