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le joueur


— Pré-ci-sé-ment.

Quant à l’espoir de gagner toujours, c’est peut-être ridicule, j’en conviens. Et puis ?… Je demande seulement qu’on me laisse tranquille.

Paulina Alexandrovna m’offrit de partager le gain du jour, en me proposant de continuer à jouer dans ces conditions. Je refusai ; je déclarai qu’il était impossible de jouer pour les autres, que je sentais que je perdrais, que je perdrais sûrement.

— Et pourtant, tout sot que cela soit, moi aussi je n’ai d’espoir que dans la roulette. Il faut donc absolument jouer pour moi. Et je veux que vous partagiez. Vous le ferez.

Elle sortit sans écouter davantage mes observations.


III


Hier, de toute la journée, elle ne me dit pas un mot à propos du jeu. Elle évitait d’ailleurs de me parler. Ses manières étaient changées. Elle me traitait négligemment, me marquant à peine son mépris. Je compris qu’elle se trouvait offensée. Mais, comme elle m’en a averti, elle me ménage encore parce que je lui suis encore nécessaire. Étranges relations, incompréhensibles souvent pour moi, eu égard surtout à son orgueil ordinaire. Elle sait que je l’aime à la folie. Elle me permet même de lui parler de mon amour. Quelle plus profonde marque de mépris que celle-là !

« Tes sentiments me sont si indifférents, que tu peux me les dire ou les taire, cela m’est égal ! »

N’est-ce pas ?

Elle m’entretient souvent de ses propres affaires, mais jamais avec une entière franchise. C’est encore un raffi-