Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/136

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prévenir et, en général, prendre des précautions. C’était un de des « magasins de modes » d’autrefois, depuis longtemps fermés par la police. Pendant le jour, en effet, c’était un magasin : mais le soir, on y pouvait venir avec une recommandation.

Je traversai rapidement le magasin non éclairé et j’allai dans la salle que je connaissais, où brûlait une bougie unique, et je m’arrêtai stupéfait : il n’y avait personne.

— Où sont-ils ? demandai-je.

Bien entendu, ils avaient eu le temps de se disperser…

Devant moi était quelqu’un, le sourire bête, la maîtresse de maison elle-même, qui me connaissait quelque peu. Au bout d’un instant, la porte s’ouvrit et une autre personne entra.

Sans faire attention à rien, je marchais à travers la pièce et parlais tout seul, je le crois. C’était comme si j’avais échappé à la mort et tout mon être s’en ressentait joyeusement : car j’aurais donné le soufflet, oui, je l’eusse absolument donné !… Mais, à présent, ils n’étaient plus là et… tout avait disparu, changé !… Je me retournai. Je ne pouvais pas réfléchir. Je regardai machinalement la jeune fille qui était entrée. Devant moi parut un visage jeune, frais, un peu pâle, avec des sourcils foncés et droits, le regard sérieux et comme étonné. Cela me plut aussitôt : je l’aurais haïe si elle avait souri. Je la regardai avec plus d’attention et avec un cer-