Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/143

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— Mais pourquoi mourir ? répondit-elle, en se défendant.

— Mais tu mourras bien un jour, et tu mourras exactement comme celle-là. C’était aussi une jeune fille… Elle est morte de la poitrine.

— Si c’était une fille, elle serait morte à l’hôpital. (Elle doit déjà le savoir, pensai-je, et dit : une fille, au lieu d’une jeune fille.)

— Elle devait à la patronne, repartis-je, m’excitant déplus en plus par la discussion : elle est restée jusqu’à la fin à son service ; malgré sa phtisie. Tout autour, les cochers le disaient aux soldats, ils le racontaient. C’étaient des gens qui l’avaient connue. On riait. Ils voulaient aller boire au cabaret en souvenir d’elle. (Ici aussi je mentais.)

Un silence, un profond silence. Elle ne bougea même pas.

— Mais est-ce qu’il fait meilleur de mourir à l’hôpital ?

— N’est-ce pas pareil ?… Pourquoi mourrais-je ? ajouta-t-elle avec irritation.

— Pas maintenant, mais après ?

— Eh bien, et après…

— Mais comment donc ! Maintenant te voilà belle, jeune et fraîche, on t’apprécie en conséquence. Mais au bout d’un an de cette vie, tu ne seras plus la même, tu te flétriras.

— Au bout d’un an ?

— En tout cas. tu vaudras moins dans un an,