Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/152

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leurs propres juges. L’amour est un mystère divin et doit être caché à tous les yeux, quoi qu’il arrive. Il n’en sera que plus saint, meilleur. Ils se respectent l’un l’autre, et bien des choses sont fondées sur le respect. Et s’il y a eu déjà de l’amour, s’ils se sont mariés par amour, pourquoi l’amour passerait-il ? Est-ce qu’on ne peut pas l’entretenir ? Il est rare qu’on ne puisse l’entretenir. Et puis, s’il se trouve que le mari soit bon et brave, comment l’amour disparaîtrait-il ? L’amour du premier temps de leur mariage, passerait, il est vrai, mais il serait remplacé par un autre qui vaudrait davantage. Leurs cœurs seraient unis, tous leurs intérêts seraient communs ; ils n’auraient rien de caché l’un de l’autre. S’ils ont des enfants, chaque instant, le plus pénible, leur paraît du bonheur. Il faut aimer seulement, et avoir du courage. Chaque travail se fait de bon cœur, et se refuserait-on le pain à cause des enfants, que l’on serait encore content de le faire. C’est qu’ils t’aimeront à cause de ce sacrifice ; c’est pour toi-même que tu travailles ; les enfants grandissent, tu sens que tu leur sers d’exemple, de soutien ; que même si tu meurs, ils porteront toute leur vie l’empreinte de tes sentiments et de tes pensées, tels que tu les leur as transmis, et qu’ils seront faits à ton image et à ta ressemblance. C’est là un grand devoir. Comment le père et la mère ne s’uniraient-ils pas davantage ? On dit qu’il est pénible d’élever des enfants ? Oui,