Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/168

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blés à Anton Antonitch ! Comme un fait exprès, ce matin il était d’humeur excellente, et me les remit aussitôt, à ma première demande. J’en fus si heureux, qu’en signant le billet, d’un air dégagé, je lui communiquai avec nonchalance « qu’hier j’avais fait bombance, avec des amis, à l’Hôtel de Paris ; on donnait un repas d’adieu à un camarade, un ami d’enfance même, et, vous savez, c’est un noceur, un enfant gâté, enfin, bien entendu, de bonne famille, d’une fortune considérable, une carrière brillante, a de l’esprit, est charmant, intrigue avec ces dames, vous comprenez ; on avait lui une « demi-douzaine » en extra etc… » Et tout cela l’air dégagé et heureux.

Dès que je fus rentré, j’écrivis aussitôt à Simonov.

Au souvenir du ton de cette lettre, ouvert, jovial, et correct, je suis encore pénétré d’admiration. Adroitement et avec noblesse — et surtout, sans paroles inutiles, — je m’accusais de tout. J’invoquais seulement comme excuse, « s’il m’était permis d’en invoquer une », mon manque d’habitude de boire, qui me valut d’avoir été grisé au premier verre, que je disais d’avoir bu avant leur arrivée, en les attendant à l’Hôtel de Paris, de cinq à six. Je faisais surtout mes excuses à Simonov. Je le priais de faire part de mes explications à tous les autres, surtout à Zverkov, que je croyais avoir offensé, à ce que je me rappelais comme à travers un songe.