Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/172

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pénétré d’un sentiment vrai. Je voulais éveiller en elle des sentiments généreux… Si elle a pleuré, c’est tant mieux, cela agit d’une façon bienfaisanté…

Mais quand même, je ne pus me tranquilliser.

Toute la soirée, après neuf heures, quand, selon mon calcul. Lisa ne pouvait plus venir, je croyais la voir et je gardais toujours le souvenir d’elle à un certain moment. C’était un moment de la veille qui se présentait clairement à ma pensée ; ce moment quand j’eus frotté une allumette pour éclairer la chambre et que je vis son visage pâle, convulsé, avec un regard de martyre. Quel sourire pitoyable, grimaçant, forcé, était sur ses lèvres à cet instant ! Mais je ne savais pas alors que quinze ans plus tard je me représenterais Lisa de nouveau avec ce sourire piteux, grimaçant, inutile, qu’elle avait à ce moment.

Le lendemain, j’étais de nouveau prêta considérer tout cela comme une absurdité, comme l’effet des nerfs malades, et surtout comme de l’exagération. Je m’avouais toujours cette corde sensible et parfois je la craignais : « J’exagère toujours, me disais-je à chaque instant, voilà mon principal défaut. » Mais cependant, « Lisa viendra peut-être », voilà le refrain qui terminait toutes mes réflexions. Je m’inquiétais tellement, que j’enrageais.

« Elle viendra ! Elle viendra sûrement ! m’écriais-je, arpentant vivement ma chambre ; si ce n’est