Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/193

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mon esprit confus que les rôles étaient changés maintenant, que l’héroïne était elle et que j’étais devenu une créature aussi humiliée et écrasée qu’elle même l’avait été dans cette nuit haïssable… Et tout cela m’était venu à l’esprit quand j’étais couché la face contre le canapé !

Mon Dieu ! Lui aurais-je porté envie ?

Je n’en sais rien. Jusqu’à présent je ne puis le décider. Et alors certainement je pouvais le comprendre encore moins qu’à présent. Car il m’est impossible de vivre sans avoir quelqu’un à tyranniser… Mais… Mais par des raisonnements on ne peut rien expliquer et par conséquent il est inutile de raisonner.

Je me surmontai cependant et relevai la tête ; il fallait bien en finir… Et voilà, j’en suis certain jusqu’à présent, précisément parce que j’étais honteux de la regarder, dans mon cœur s’alluma soudain un autre sentiment… le sentiment de la domination et de la possession. Mes veux brillèrent de passion et je lui serrai fortement les mains. Comme je la haïssais en ce moment et comme je la voulais ! En sentiment fortifiait l’autre. Cela ressemblait presque à une vengeance… Son visage exprima d’abord l’hésitation, puis la peur, mais pour un instant seulement. Elle se jeta dans mes bras ardemment, passionnément.