Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/208

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— Bon ! bon ! ne te fâche pas, Karlchen, dit doucement l’Allemand d’un air d’amour-propre flatté. — Qu’il est vilain, ce crocodile ! Il me fait peur ! murmura coquettement Elena Ivanovna. Je suis sûre que je vais en rêver.

— Il ne saurait vous mordre en rêve, madame, remarqua l’Allemand avec galanterie. Puis, il se mit à rire de cette saillie, mais son rire ne trouva pas d’écho.

— Allons voir les singes, Semione Semionitch, dit Elena Ivanovna s’adressant exclusivement à moi. J’adore les singes ; il y en a de si gentils… tandis que ce crocodile est affreux !

— Ne crains rien, chère amie, cria Ivan Matveïtch, se dandinant et faisant le beau devant elle ; ce transfuge du royaume des Pharaons ne nous fera aucun mal.

Et il resta près de la baignoire. Bientôt, du bout de son gant, il se mit à chatouiller les naseaux du crocodile afin, nous avoua-t-il plus tard, de l’induire à souffler encore avec bruit. Le manager avait suivi Elena Ivanovna — une dame ! — vers la cage aux singes. Tout allait donc le mieux du monde et aucun incident n’était à prévoir.

Elena Ivanovna fut charmée par les singes et leur consacra toute son attention. Elle poussait de petits cris joyeux et feignant de ne pas voir le manager, elle s’amusait à découvrir des ressem-