Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/293

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d’eux, obstruant le quai de la Fontanka entre les deux ponts ainsi que toutes les rues et ruelles avoisinantes. Comme alors, tous deux se trouvaient repoussés, acculés dans un immense chantier de bois tout rempli de curieux venus de la ville, du marché Tolkoutchi, sortis des maisons et des cabarets d’alentour. Il revoyait tout cela aussi nettement que s’il y assistait en réalité et, au travers des tourbillons de la fièvre et du délire, d’étranges figures se mirent à lui passer devant les yeux. Il en reconnaissait quelques-unes. C’était ce monsieur d’aspect si imposant, haut d’une sagène au moins, avec une moustache d’une archine, et qui, pendant tout l’incendie, était resté campé derrière son dos, le complimentant quand notre héros, saisi d’une sorte de transport frénétique, s’était mis à trépigner comme pour applaudir aux prouesses des pompiers qu’il découvrait fort bien de sa place élevée. C’était ce jeune homme si vigoureux qui, d’un coup de poignet, l’avait hissé sur ce mur, qu’il prétendait franchir en vue de je ne sais quel sauvetage. Il vit filer ensuite le visage du vieillard au teint terreux, vêtu d’une robe de chambre élimée que ceignait quelque chose d’indéfinissable et qui, avant qu’éclatât l’incendie, afin de chercher dans quelque épicerie des biscuits et du tabac pour son locataire, fendait maintenant la foule vers le logis en feu où brûlaient sa femme, sa fille et trente roubles cachés sous un lit de plume. Mais la forme la plus