Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/319

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crets, découvre toutes les intrigues. Le capitonnage du matelas jonchait tout le plancher et un poète n’eut pas manqué de comparer ce coin maintenant refroidi et dévasté au nid brisé d’une hirondelle « ménagère ». Tout est démoli par la tempête ; la mère et les petits sont morts et le petit lit chaud, si amoureusement fait de plumes et de duvet, est maintenant dispersé…

D’ailleurs, Sémione Ivanovitch avait plutôt l’air d’un vieil égoïste ou de quelque moineau voleur. Il était là, bien tranquille, comme un qui a la conscience en paix, comme s’il n’avait pas été l’artisan de ces tours à tromper les braves gens de la plus ignoble façon. Il n’entendait plus les pleurs de sa logeuse abandonnée. Tout au contraire, tel un malin capitaliste déterminé jusqu’à la tombe à ne pas perdre son temps dans l’inactivité, on l’eut dit entièrement absorbé par des calculs de spéculation. Son visage exprimait une méditation profonde et ses lèvres se serraient dans un air de gravité dont on ne l’eut jamais cru capable de son vivant. Il paraissait avoir beaucoup gagné en intelligence et tenait l’œil droit à demi-fermé comme s’il eut voulu faire saisir à la hâte quelque chose de fort important et qu’il n’avait pas le temps de développer… Il semblait dire :

« Eh bien, as-tu bientôt fini de pleurer, espèce de sotte ? Va donc dormir, entends-tu ? Je suis mort et n’ai plus besoin de quoi que ce soit.