Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/63

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qu’il est même indécent de n aimer que le bien-être. Que cela soit bien ou mal, mais, il est très agréable quelquefois de briser quelque chose. Je ne suis pas le champion absolu de la souffrance, mais je ne tiens pas non plus au bien-être. Je tiens… pour mon caprice, et je veux l’obtenir quand il me le faudra. Je sais que la souffrance n’est pas admise dans les vaudevilles, par exemple. Dans un palais de cristal, elle est inadmissible : la souffrance est un doute, une négation, et comment pourrait-on douter dans un palais de cristal ? Et cependant, je suis certain que l’homme ne désavouera jamais la véritable souffrance, la destruction et le chaos. La souffrance, — c’est la seule cause de la conscience. Quoique je vous aie annoncé au commencement que, d’après moi, la conscience soit pour l’homme le plus grand malheur, je sais cependant que l’homme l’aime et ne la donnera pour aucune satisfaction. La conscience est, par exemple, infiniment au-dessus de deux fois deux font quatre. Après deux fois deux font quatre, certainement, il ne reste plus rien, non seulement à faire, mais même à connaître. Il n’y a plus qu’à murer ses cinq sens et se plonger dans la contemplation. Eh bien, avec la conscience on obtient le même résultat, c est-à-dire. qu’il n’y a rien à faire, sauf qu’on peut se flageller soi-même quelquefois, et cela ranime toujours. Si rétrograde que cela soit, cela vaut cependant mieux que rien.