Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/94

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fond. Ils venaient, par boutades, comme s’ils voulaient se rappeler à mon souvenir, mais n’arrêtaient pas la débauche par leur apparition ; au contraire, ils la ranimaient par le contraste, et venaient en quantité justement suffisante pour faire un bon assaisonnement. L’assaisonnement se composait ici de contradictions et de souffrances, de douloureuse analyse intérieure ; et tous ces tourments, petits et grands, ajoutaient un piment, un certain sens à ma débauche. En un mot, ils remplissaient les fonctions d’une bonne sauce. Tout cela n’allait pas sans une certaine profondeur. Aurais-je donc pu consentir à une simple et vile débauche de petit expéditionnaire et porter toute cette boue ! Qu’est-ce qui aurait pu me charmer en elle et me faire sortir la nuit ? Non, Monsieur, j’avais pour tout une excuse pleine de noblesse.

Mais que d’amour. Seigneur ! que d’amour j’ai éprouvé ainsi dans mes rêves, dans ces « plongeons dans tout ce qui est beau et élevé » ! C’était, il est vrai, un amour fantastique, inapplicable à rien dans l’œuvre humaine, mais il y en avait un tel excès, de cet amour, qu’en réalité, on n’éprouvait pas le besoin de l’appliquer ; cela aurait été un luxe inutile. D’ailleurs, tout se terminait parfaitement bien par un retour indolent et enivrant vers l’art ; c’est-à-dire, vers les belles formes de la création, toutes faites, dérobées aux poètes et aux romanciers et accommodées à tous les services