Page:Dostoïevski - Souvenirs de la maison des morts.djvu/117

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tout ce qu’elle pouvait. Elle pouvait très-peu, car elle était elle-même fort pauvre.

Mais nous qui étions enfermés dans la maison de force, nous sentions que nous avions au dehors une amie dévouée. Elle nous communiquait souvent des nouvelles dont nous avions grand besoin (nous en étions fort pauvres) ; quand je quittai le bagne et partis pour une autre ville, j’eus l’occasion d’aller chez elle et de faire sa connaissance. Elle demeurait quelque part dans le faubourg, chez l’un de ses proches parents.

Nastasia lvanovna n’était ni vieille ni jeune, ni jolie ni laide ; il était difficile, impossible même de savoir si elle était intelligente et bien élevée. Seulement dans chacune de ses actions on remarquait une bonté infinie, un désir irrésistible de complaire, de soulager, de faire quelque chose d’agréable. On lisait ces sentiments dans son bon et doux regard. Je passai une soirée entière chez elle avec d’autres camarades de chaîne. Elle nous regardait en face, riait quand nous riions, consentait immédiatement à tout ; quoi que nous disions, elle se hâtait d’être de notre avis, et se donnait beaucoup de mouvement pour nous régaler de son mieux.

Elle nous servit du thé et quelques friandises ; si elle avait été riche, elle ne s’en fût réjouie, on le devinait, que parce qu’elle eût pu mieux nous agréer et soulager nos camarades, détenus dans la maison de force.

Quand nous prîmes congé d’elle, elle fit cadeau d’un porte-cigare de carton à chacun, en guise de souvenir ; elle les avait confectionnés elle-même, — Dieu sait comme, — avec du papier de couleur, de ce papier dont on relie les manuels d’arithmétique pour les écoles. Tout autour, ces porte-cigares étaient ornés d’une mince bordure de papier doré, qu’elle avait peut-être acheté dans une boutique, et qui devait les rendre plus jolis.

— Comme vous fumez, ces porte-cigares vous conviendront