Page:Dostoïevski - Un adolescent, trad. Bienstock et Fénéon, 1902.djvu/70

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vait lui représenter que la vie est brève, que nous sommes tous mortels, que les cas de scarlatine abon­dent dans les statistiques de la mortalité... Il était en retraite...

Je m’arrêtai, suffoquant et regardant désolément autour de moi.

— Ça n ’a aucun rapport, dit quelqu’un.

— Le fait que vous citez, bien qu’il soit d’une autre nature que celui qui est en cause, éclaire suffisamment la discussion, dit Vassine.

IV

Je dois avouer ici pourquoi j’étais enchanté de l’argument de Vassine sur « l’idée-sentiment ». Oui, c’était à contre-cœur que j’étais allé chez Diergat­chov, peu soucieux d’exposer mon « idée » à la mé­canique des dialecticiens. Sans doute, je savais que je ne la leur raconterais pas ; mais spontanément ils pouvaient dire telles choses de nature à m’en désen­chanter. D’autre part, je n ’attendais, aide de per­sonne. « Mon idée » comportait, en sa complexité, des parties encore troubles, mais que je voulais éluci­der par mes propres lumières. Depuis deux ans, j’évi­tais toute lecture, dans la crainte d’y trouver rien qui la pût ébranler. Et voilà que tout d’un coup Vassine résout la difficulté et me tranquillise dans le sens le plus large. En effet, de quoi avais-je peur et quelle action telle ou telle dialectique pouvait-elle avoir sur moi ? Vouloir détruire en quelqu’un une idée vitale, c’est une tentative dérisoire, si vous ne pro­posez, pour la remplacer, aucune idée aussi belle.