Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/244

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qu’une mère sa fille… Oui, il y a des jeunes filles heureuses d’être chez leurs parents… Moi, il me semble que je n’aurais jamais marié ma fille.

― Et pourquoi donc ? ― demanda-t-elle en riant faiblement.

― Par Dieu ! je serais jaloux ï Comment ? Elle va embrasser un autre homme ? Aimer plus un étranger qu’un père ! C’est douloureux à imaginer seulement… Certes, ce sont des bêtises, et tout le monde finit par revenir au bon sens. Mais rien que le souci de la donner m’aurait fatigué à la mort, il me semble. J’aurais réformé tous les fiancés… pour arriver quand même à la donner à l’homme qu’elle aurait aimé. Mais justement celui qu’elle aime semble le pire de tous au père. C’est toujours ainsi, et c’est la cause de fréquents malheurs dans les familles.

― Il y en a qui sont heureux de vendre leur fille au lieu de la donner honnêtement, ― dit-elle tout à coup.

(Ah ! ah ! C’est donc cela !)

― Lisa, cela n’arrive que dans les familles maudites, sans religion et sans amour, ― repris-je avec chaleur. Et où il n’y a pas d’amour il n’y