Page:Dostoïevsky - L’Esprit souterrain, trad. Halpérine et Morice, 1886.djvu/269

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rant à travers la chambre » ; si ce n’est aujourd’hui, ce sera demain, mais elle viendra. Ô maudit romantisme des cœurs purs ! Quel dégoût ! quelle sottise ! Ô l’imprévoyance des âmes dégoûtantes de sentimentalisme ! ― Eh ! au fond, comment ne pas comprendre ? Pourquoi pas comprendre ?… »

Ici je m’arrêtais, dans une étrange perplexité.

Et qu’il a fallu peu de paroles, ― observais-je en passant, ― qu’il a fallu peu d’idylle (et d’idylle livresque, artificielle, factice) pour retourner toute mon âme ! Ah ! la persistante virginité ! Ah ! le perpétuel renouveau de l’argile humaine !

Parfois, la pensée me venait d’aller chez elle, « de lui dire tout », de la supplier de ne pas venir. Mais alors une telle colère se levait en moi qu’il me semblait que j’aurais écrasé cette « maudite » Lisa, si elle avait été à ma portée ! Oui, je l’aurais outragée, conspuée, chassée, battue !

Cependant, une journée se passa, une autre encore, et encore une troisième. Lisa ne venait pas, et je commençais à me rassurer. Surtout passé neuf heures du soir j’étais tout à fait courageux, et je me promenais en liberté. Je me mis même à réfléchir moins amèrement à toute