Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/110

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mes forces, je la couvris de baisers en sanglotant ; serrée contre sa poitrine, je m’efforçais en quelque sorte de retenir dans mes embrassements et de disputer à la mort le dernier être qui m’aimât… Mais déjà la mort planait au-dessus de ma pauvre mère.

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11 juin.

Que je vous suis reconnaissante pour la promenade d’hier aux îles, Makar Alexéiévitch ! Qu’il fait bon et frais là ! que la verdure y est belle ! Depuis si longtemps je n’avais pas vu de verdure ; — pendant ma maladie il me semblait toujours que j’étais condamnée et que je mourrais certainement ; — jugez donc ce que j’ai dû éprouver hier, quelles ont dû être mes sensations ! — Ne soyez pas fâché contre moi parce que j’ai été si triste hier ; j’étais très-heureuse, très-aise, mais dans mes meilleurs moments je suis toujours triste. Les larmes que j’ai versées ne signifient rien ; je ne sais pas moi-même pourquoi je pleure toujours. J’ai une sensibilité morbide, irritable ; mes impressions sont maladives. Le ciel pâle, sans nuages,