Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/153

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jolie petite voix, sonore et mélodieuse comme celle d’un rossignol ! Nous applaudissions et nous criions si fort que nous faillîmes avoir une mauvaise affaire avec la police ; l’un de nous fut expulsé. En regagnant mon logis, je marchais comme dans une vapeur de charbon ! Il ne me restait en poche qu’un rouble d’argent, et je n’avais pas d’honoraires à recevoir avant dix grands jours. Eh bien, devinez ce que je fis, matotchka ! Le lendemain, avant d’aller au service, je passai chez un parfumeur français, j’achetai là des odeurs et du savon parfumé ; toute ma fortune fut ainsi dépensée ; — je ne sais pas moi-même pourquoi je fis ces emplettes. Je ne dînai pas chez moi et me promenai longtemps devant les fenêtres de la belle. Elle demeurait sur la perspective Nevsky, à un quatrième étage. Arrivé chez moi, je me reposai une petite heure, puis je retournai à la perspective Nevsky, à seule fin de reprendre ma promenade vis-à-vis de sa maison. Pendant six semaines, j’allai ainsi lui faire la cour ; à chaque instant, je prenais des voitures, je ne faisais que passer et repasser devant ses croisées : je dissipai toutes mes ressources, je m’endettai ; après quoi, je cessai de l’aimer : — j’en avais