Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/220

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J’avais peur, et alors je croyais entendre quelqu’un, — une voix humaine, — me dire tout bas : — « Cours, cours, enfant, ne t’attarde pas ; ce sera terrible ici tout à l’heure, cours, enfant ! » — L’épouvante s’emparait de moi, et je courais à perdre haleine. J’arrivais essoufflée à la maison. Chez nous régnait une animation bruyante et joyeuse ; on distribuait à tous les enfants leur tâche : on nous faisait écaler des pois ou des pavots. Le bois humide pétillait dans le poêle ; ma mère considérait gaiement notre gai travail ; ma vieille bonne Ouliana parlait de l’ancien temps ou racontait d’effrayantes histoires de sorciers et de revenants. Nous autres, petites filles, nous nous serrions les unes contre les autres, mais nous avions toutes le sourire aux lèvres. Soudain un silence se produisait parmi nous... Écoutez ! On dirait que quelqu’un frappe à la porte ! — Il n’en était rien ; ce qui avait fait ce bruit, c’était le rouet de la vieille Frolovna. Ce qu’on riait ! Mais ensuite, la nuit, la peur nous empêchait de dormir ; nous faisions des rêves terribles. Parfois je m’éveillais, je n’osais pas bouger, et jusqu’à l’aurore je tremblais sous ma couverture. Le matin je me levais fraîche comme une fleur. Je regardais à