Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/234

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parfois aplati comme si j’avais reçu une chiquenaude sur mon nez curieux ; je fais un geste de résignation et je poursuis mon chemin, plus tranquille que l’eau, plus bas que l’herbe. Mais maintenant examinez ce qui se passe dans ces grandes maisons noires, enfumées, de la capitale, approfondissez cela et alors jugez vous-même si j’avais raison de me déprécier outre mesure et de m’abandonner à un découragement indigne. Notez, Varinka, que je parle allégoriquement, et ne prenez pas mes paroles au pied de la lettre. Eh bien, voyons un peu ce qu’il y a dans ces maisons. Là, dans quelque coin enfumé, dans quelque humide chenil où seul un indigent peut élire domicile, un ouvrier s’est éveillé ; mais toute la nuit il a rêvé de bottes, il a vu en songe l’entaille que, hier, par mégarde, il a faite à son cuir, comme si une pareille niaiserie devait précisément s’offrir à l’esprit de l’homme pendant son sommeil ! Eh bien, mais c’est un ouvrier, un bottier : il est excusable de ne penser jamais qu’à son affaire. Ses enfants piaillent, sa femme a faim ; et d’autres même que les bottiers se lèvent parfois ainsi, ma chère. Ce ne serait rien encore, et la chose ne mériterait pas d’être