Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/43

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nombre très-insuffisant de samovars, le même sert à tour de rôle aux divers locataires, et si quelqu’un devance son tour, on lui lave aussitôt la tête. C’est ce qui m’est arrivé la première fois, et… du reste, à quoi bon parler de cela ? J’ai fait connaissance ici avec tout le monde, à commencer par l’enseigne. C’est un homme fort expansif ; il m’a raconté toutes ses affaires, m’a parlé de son père, de sa mère, de sa sœur qui est mariée à un juge à Toula, et de la ville de Kronstadt. Il m’a promis de me protéger en toute circonstance et m’a incontinent invité à venir prendre le thé chez lui. Je l’ai trouvé dans une pièce où les locataires de la maison ont coutume de se réunir pour jouer aux cartes. On m’a servi le thé là, et ils ont voulu absolument que je jouasse avec eux à un jeu de hasard. Se moquaient-ils de moi ou non ? je n’en sais rien ; toujours est-il qu’eux-mêmes ont passé toute la nuit à jouer, et que la partie était déjà engagée quand je suis entré. De la craie, des cartes, une telle fumée dans toute la chambre que j’en avais mal aux yeux. Comme je ne me mettais pas à jouer, ils m’ont fait observer que je posais pour le philosophe. Ensuite plus personne ne m’a adressé la parole, ce