Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/45

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qu’on n’oserait pas raconter. Maintenant je suis déjà un peu habitué, mais je ne comprends pas comment des gens mariés peuvent s’accommoder d’un pareil tapage. Toute une famille de pauvres diables occupe une chambre chez notre logeuse, seulement ce n’est pas une des pièces donnant sur le corridor ; ils demeurent de l’autre côté, dans un coin, à l’écart. Ce sont des gens tranquilles. Jamais personne n’entend parler d’eux. Leur logement se réduit à une seule chambre dans laquelle ils ont mis une séparation. Le chef de la famille est un employé qui a perdu sa place ; on l’a destitué il y a sept ans, je ne sais pourquoi. Il s’appelle Gorchkoff ; c’est un petit homme aux cheveux blancs, vêtu d’un habit si crasseux, si râpé, que cela fait peine à voir ; sa mise est encore pire que la mienne ! Un être si faible, si minable (nous nous rencontrons parfois dans le couloir) ; ses genoux tremblent, ses mains tremblent, sa tête tremble ; est-ce par l’effet de quelque maladie ? Dieu le sait ; il est timide, il a peur de tout le monde, il marche en s’effaçant ; moi aussi je suis parfois timide, mais pas tant que cela. Sa famille se compose de sa femme et de trois enfants. L’ainé, un garçon, est tout le