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Page:Doutes sur la religion, suivies de l'Analyse du Traité theologipolitique de Spinosa, 1769.djvu/58

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ſont bons, mais nous en faiſons un mauvais uſage relativement à nous-mêmes & aux autres créatures, circonſtances qui ne changent point le fond de nos penchans quoiqu’elles en rendent l’uſage mauvais. En un mot il répugne à la bonté de Dieu d’avoir mis l’homme dans une ſituation où il peut l’offenſer & ſe perdre, ou d’avoir permis qu’il ſe trouve dans cette ſituation.

Qu’eſt-ce que la nature déchue ? La nature eſt-elle dans un autre état qu’elle n’a jamais été ? Les eſſences, les régles déterminées au moment de la création ont-elles pu changer ? Si l’homme aime à ſentir, à être agréablement remué, c’eſt parce que telle eſt ſa nature, & non parce qu’il a péché. Adam n’eût point mangé de la pomme s’il n’avoit été tel de ſa nature que cette manducation pût lui faire plaiſir. La réſolution qu’Adam & ſa femme prirent de manger de la pomme ne pouvoit partir que d’une inclination qu’ils avoient au mal, puiſqu’ils ſavoient qu’il y avoit du mal à en manger. Quel homme fait quelque choſe ſans inclination ? Le penchant au mal a donc précédé le péché originel & n’en eſt point une ſuite.