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trouver admissibles, et le voilà qui invente un potager, une vache, etc. tout ce qu’on voudra, rien que pour revenir à ses moutons, c’est-à-dire à la spontanéité d’action de la masse, indépendamment et même à l’encontre de la volonté des personnalités dirigeantes.

L’auteur démontre, je veux dire croit démontrer, de plusieurs façons l’impossibilité et l’absurdité d’une tentative pour couper la retraite aux Français. Il est un point sur lequel son raisonnement a une apparence de fondement. C’est lorsqu’il allègue le terrible épuisement de l’armée de Koutouzoff. Mais, d’après le plan, ce n’est pas Koutouzoff qui devait couper la retraite ; c’est Tchitchagoff, qui se trouvait déjà sur la Bérézina ; c’est Wittgenstein qui n’en était plus qu’à 25 verstes le jour où les Français en organisèrent le passage. Chacun des deux n’avait pas moins de 30,000 hommes, tandis que Napoléon ne disposait pas de plus de 40,000 hommes dans le rang. Nous avions également la prépondérance sous le rapport du moral. La conclusion n’est donc pas difficile à tirer.


VII.


La seconde partie du tome VI est exclusivement consacrée à des essais de métaphysique. L’auteur commence par proclamer l’impossibilité de décrire non seulement la vie de l’humanité, mais même celle d’une seule nation. C’est, en d’autres termes, déclarer que toute l’histoire n’est que de la blague.

Si telle est la conviction de l’auteur, il semble qu’il aurait dû en fournir la preuve et terminer par là une bonne fois ses dissertations à propos de l’histoire. Mais il n’en fait rien. C’est une sentence qu’il prononce sans songer même à la justifier, et il part de là pour se lancer dans l’examen critique des manières différentes d’envisager l’histoire dans l’antiquité et de nos jours. La caractéristique de cette différence consiste suivant lui en ce que les anciens rapportaient tout à la divinité, tandis que les modernes repoussent ce principe. Erreur profonde ! La différence en question tient à ce que les premiers s’imaginaient[1] com-

  1. Ils reconnaissaient pourtant un Destin supérieur à tous leurs dieux, et qu’ils n’avaient pas la prétention de comprendre.