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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/172

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Mais ces émeutes avaient été énergiquement réprimées par un jeune général dont le nom allait bientôt devenir célèbre, et qu’un des membres du Directoire, Barras, s’était adjoint.

Déjà on avait parlé, en 1792, de cet officier qui, simple commandant d’artillerie, avait fortement contribué à la reprise de Toulon sur les Anglais. On avait alors raconté sa belle conduite au fort de l’Eguillette, et tout le monde savait qu’à Toulon, il avait manié l’écouvillon comme un simple soldat, dans la « Batterie des Hommes sans Peur ».

Cet officier se nommait Bonaparte.

Il avait fait des études à l’École de Brienne. On envoyait à cette École, avant la Révolution, les jeunes gens de noblesse peu fortunés pour en faire des officiers savants.

C’était une des écoles militaire d’alors.

Nommé général pour les faits de guerre de Toulon, Bonaparte avait été mis ensuite en disgrâce pour faits politiques. Ces disgrâces de généraux étaient alors très fréquentes ; tandis qu’aujourd’hui elles ne se représentent plus, pour la bonne raison que les généraux dédaignent la politique et ne s’en occupent pas.

Bonaparte, très pauvre, était donc venu s’installer à Paris, où il végétait dans une situation extrêmement précaire lorsqu’une femme célèbre dans la Révolution, Mme Tallien, l’avait distingué et présenté à Barras. Ce dernier se l’était attaché. Catherine, comme tout le monde, s’était intéressée à ce jeune général ; avec une prescience divinatrice, elle le considérait déjà comme devant faire de grandes choses.

Elle en parlait souvent à maître Sansonneau.

— Oh ! disait l’épicier, croyez-vous qu’il soit si remarquable ? Je l’ai vu, l’autre jour : il ne représente pas.

— Vraiment ?

Oui. C’est un petit gringalet, tout chétif, maigriot… On voit bien qu’il a dû se serrer le ventre avant d’être le second de Barras… Il ne vient seulement pas à la hauteur de ses hussards d’escorte !…

— Ce n’est pas une raison, répliquait Catherine. Vous verrez !… vous verrez !… On dit qu’il a demandé le commandement de l’armée d’Italie… vous le verrez à l’œuvre si on la lui confie…

On la lui confia !