Aller au contenu

Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Finalement il avait, sans blessure, gagné les galons d’or, lui aussi.

Puis, à la formation de la Garde consulaire, le brave Cancalot y avait été admis en rendant ses galons. Il n’était plus que caporal, mais, comme il disait :

— C’est un honneur d’être caporal dans la garde du petit Caporal, Y a pas d’erreur !

Bref, quand il sut le but de la visite de Jean Tapin :

— Écoute ! dit-il après réflexion, tu connais bien Murat ?

— Oui, j’ai servi aux Dromadaires.

— C’est juste. Eh bien, il est dans la cour à inspecter les chevaux du Premier Consul. Je vais te faire infiltrer dans la place par la porte de service. Une fois là, débrouille-toi ; tâche de lui parler ; mais pas de blague, ne dis pas que c’est moi qui…

— C’est compris !

Cinq minutes plus tard, Jean Tapin abordait carrément Murat.

Il fut d’abord assez mal reçu, car le grand général de cavalerie était brusque d’allures ; mais, au fond, l’audacieuse démarche du sergent lui plut justement à cause de son audace.

— Tu as un fier toupet, mon garçon ! Enfin ! ça réussit parfois, arrive ! Si le premier Consul est bien disposé, tant mieux pour toi.

Murat emmena le petit sergent jusqu’à un bureau du premier étage où un jeune homme vêtu de noir écrivait.

C’était le secrétaire particulier de Bonaparte.

— Monsieur Menneval, dit Murat, voici un de mes braves de l’armée d’Égypte qui voudrait être reçu par le Premier Consul.

« Oui, monsieur, ajouta vivement notre ami, voudriez-vous lui dire que c’est le petit sergent Cardignac — Jean Tapin — de la tour de Djezzar, celui-là même qui a écrit son nom sur la vie des hommes illustres, de Plutarque, que le général Bonaparte lui a prêté à bord de l’Orient

« Il se souviendra de moi. »

L’extrême volubilité avec laquelle le petit sergent débita cette longue phrase fit sourire le secrétaire.

— Et que veux-tu lui demander ?

— L’épaulette de sous-lieutenant qu’il m’a promise.

— Ah !… Eh bien, écris-lui.