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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/335

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vingt canons entre nos mains. Leur retraite fut tellement désordonnée qu’elle alla porter la panique jusque dans la ville même d’Iéna, où se tenait le corps principal de l’armée prussienne.

Le 12, Napoléon avance et dirige Davout sur Naumbourg. Davout s’empare de cette ville, située à six lieues d’Iéna et du pont de la Saale.

Pendant ce temps, le maréchal Lannes se porte sur Iéna et Murat sur Leipzig.

Alors le duc de Brunswick, qui commandait en chef, sentant qu’il allait être tourné, prit peur. Laissant le prince de Hohenlohe sur les hauteurs d’Iéna, il se dirigea, accompagné du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume, vers Naumbourg pour tâcher d’en déloger Davout.

L’émoi et l’inquiétude étaient extrêmes au quartier général prussien.

Il faut vous dire, mes enfants, que, dès le début de la guerre, on s’y vantait de ne faire de nous qu’une bouchée ; on escomptait la réputation de solidité qu’avait conquise en Europe l’armée prussienne, réputation qui datait de la victoire remportée sur nous à Rosbach, au temps de Frédéric 1er.

Cette victoire était déjà vieille, puisqu’elle remontait à 1757, et la leçon de Valmy, beaucoup plus récente, eût dû rendre les Prussiens moins arrogants.

Mais on était emballé : la reine Louise de Prusse (qui avait poussé à déclarer la guerre) voulait assister en personne aux opérations militaires. On la voyait souvent au camp prussien passer à cheval, avec le roi son mari, devant les troupes.

En un mot on considérait cette guerre comme une manœuvre brillante, à laquelle une femme peut être heureuse d’assister.

Et voilà que « ces Français » dont on parlait si dédaigneusement, arrivaient à l’improviste et défonçaient du premier coup les avant-gardes d’une armée réputée invincible.

Les Prussiens étaient donc, en 1809, vis-à-vis de nous, dans les dispositions où nous nous trouvâmes vis-à-vis d’eux soixante-quatre ans plus tôt, c’est-à-dire endormis par leurs succès d’autrefois dans une sécurité trompeuse.

Et remarquez-le bien, mes enfants, en lisant le récit de cette campagne d’Iéna, la plus rapide et la plus foudroyante des campagnes napoléoniennes : ce fut la leçon, reçue par les Prussiens du grand Maître d’alors, qui fut exploitée contre nous par leurs descendants. Oui, la même science de la