Aller au contenu

Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

De cette affection, le petit tambour ne devait pas tarder à ressentir les effets. Il était le seul enfant, ainsi engagé à la 9e demi-brigade : le moins âgé après lui avait dix-sept ans. Il allait tout naturellement devenir l’enfant du régiment.

Enfin la voiture de dame Catherine apparut.

« Tiens, petite mère, voilà Jean ! » s’écria Lison.

La cantinière l’avait vu, elle aussi, et comprenant, elle arrêta son cheval.

Jean monta en voiture et Carabi repartit, au petit trot, pour rattraper sa distance.

« Tu es fatigué, mon pauvre petit ?

— Non, madame Catherine ; c’est le colonel qui a voulu que je vienne vous trouver.

— Il a raison. Tu n’es pas habitué encore à de pareilles marches. Cela prouve son bon sens et sa bienveillance. Il veut que tu t’accoutumes graduellement. »

Jean, confortablement installé, côte à côte avec sa petite amie Lisette, éprouvait un bien-être, une détente ; et, dans le fond de son cœur, il remercia le colonel Bernadieu.

Le soleil déclinait.

L’enfant, intéressé, suivait tous les incidents de la marche. Souvent la 9e demi-brigade était forcée de s’arrêter et de se rejeter sur les bords de la route, quelquefois même en plein champ, pour laisser passer d’autres colonnes qui la gagnaient de vitesse.

C’étaient des troupes de cavalerie qui filaient au grand trot, de beaux régiments de chasseurs et de hussards aux brillants uniformes. Ceux-là n’étaient pas improvisés, car on ne forme pas un cavalier en quelques heures ; ils avaient été rappelés de l’armée du maréchal Luckner, battu en Flandre par les Autrichiens, avaient campé quelques jours sous Paris et rejoignaient en hâte l’armée de Dumouriez, parce que, d’elle seule maintenant, allait dépendre le salut de la France. C’étaient aussi de longs convois de vivres et de munitions, escortés par des dragons. Des charrettes, conduites par des routiers et des paysans, sautaient sur les pavés avec un grand bruit de ferraille, emportant vers Châlons des effets, confectionnés à la hâte dans les magasins de Paris, des fusils pris à la Bastille, fournis par les armuriers, ou trouvés dans les arsenaux. C’étaient aussi des chevaux de toutes provenances,