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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/52

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Soudain le colonel Bernadieu leva le bras et d’une voix qui domina le tumulte…

« Silence ! » ordonna-t-il.

Comme par enchantement le bruit diminua aussitôt, puis s’éteignit rapidement…

« Rabattez les deux bataillons d’ailes sur le centre, prescrivit le colonel, et vous, citoyens officiers, reprenez vos places ; pour ce qui me reste à dire, je veux m’adresser au régiment tout entier. »

Et quand il fut au centre du carré ainsi formé…

« Soldats, s’écria-t-il, vous avez entendu : je n’ai donc pas à vous dire de nouveau où nous allons ! Droit à l’ennemi ! Il est tout près d’ici ! Haut les cœurs, mes enfants ! La France et l’Assemblée vous regardent ! Vous êtes à cette heure les défenseurs, non seulement de votre pays et de votre sol, mais encore de la liberté et de la justice !

— Vive la nation ! Vive la nation !

— Nous marchons à l’ennemi de ce pas, continua le colonel… Demain nous pouvons être aux prises avec les Prussiens de Brunswick… Je ne vous dis qu’une phrase : La nation compte sur vous ! Le général Dumouriez a fait transmettre à la Convention une lettre où il déclare qu’il sauvera la France menacée : il va occuper les défilés de l’Argonne. — « Ce sont, dit-il dans sa lettre, les Thermopyles de la France, et il ajoute : Je serai plus heureux que Léonidas. »

— Vive Léonidas ! s’écria La Ramée, qui, dans sa parfaite ignorance de l’histoire grecque, prit immédiatement le héros Spartiate pour un général français.

Mais personne ne songeait à rire de l’exclamation du vieux soldat.

— Encore une fois, je compte sur vous, conclut le colonel ; et maintenant que nous sommes à proximité de l’ennemi, il faut agir et marcher comme si nous pouvions le rencontrer d’un moment à l’autre : que chacun veille ; que les avant-gardes fassent strictement leur devoir, et prenons pour règle invariable ce principe de solidarité : « Quand une compagnie ou un bataillon sera engagé avec l’ennemi, les compagnies et les bataillons en arrière devront marcher au feu : la plus belle des fraternités est celle qui prend naissance dans la fumée des combats. »

On le voit, quoique aimant par nature la simplicité, le colonel Bernadieu