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Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/99

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Rappelée en toute hâte par un ordre exprès de Dumouriez qui l’avait heureusement rejointe, cette troupe, qui s’était battue vaillamment à La Croix-aux-Bois, venait de se débander devant quinze cents hussards prussiens.

Tant il est vrai, mes enfants, que la retraite appelle la défaite, que la confiance appelle la victoire, et que, à la guerre, le moral du soldat joue un rôle capital.

À l’heure du danger, croyez-m’en, une compagnie de deux cents hommes bien trempés, bien commandés et même médiocrement armés, vaut mieux qu’un bataillon de huit cents mauvais soldats, fussent-ils munis d’armes perfectionnées.

Il était six heures du soir lorsque Jean Tapin, reconnaissant parmi les volontaires qui arrivaient par bandes au camp de Braux des fusiliers du bataillon Dorval, se mit à la recherche de la 9e demi-brigade. Mais il ne put retrouver la batterie de Belle-Rose ce soir-là ; tout était confondu : artilleurs, fantassins et cavaliers, et, à la nuit tombée, une nouvelle panique s’étant produite, les canonniers attelèrent leurs pièces et partirent au galop sans ordres, à la recherche, disaient-ils, d’une position meilleure.

Le désordre devint alors horrible et le petit Jean vit le général Dumouriez, qui n’avait pas quitté sa selle depuis vingt-quatre heures, se jeter avec les officiers de son état-major au-devant des fuyards, et en sabrer plusieurs de sa main pour les obliger à s’arrêter.

Jamais le souvenir de ce lamentable spectacle ne devait s’effacer de sa jeune mémoire.

L’affolement était tel parmi ces soldats improvisés, que plusieurs d’entre eux soutinrent à Dumouriez lui-même, sans le reconnaître, que Dumouriez venait de déserter pour rejoindre La Fayette.

Tout ceci, mes enfants, est l’histoire fidèle de ces jours fiévreux que vécut la France à la veille même de la victoire qui allait la sauver, et on ne pouvait guère deviner, je vous assure, dans cette armée débandée, les superbes phalanges qui, quatre jours après, devaient rester impassibles sous l’effroyable canonnade de Valmy.

C’est que, pendant ces quatre jours, Dumouriez sut la remonter, cette armée, lui faire honte de sa fuite, et faire vibrer chez tous le sentiment de l’honneur.